Gatsby le magnifique a ouvert le Festival de Cannes ce mercredi 15 mai 2013.
C’est sous la pluie que les festivaliers ont découvert le film de Baz Luhrmann, en même temps que les spectateurs de l’Hexagone. Que penser de cette énième adaptation du roman de F.S.Fitzgerald ? Est-ce une douche froide ou une réussite ? Retrouvez mon avis dans les lignes ci-dessous.
Critique de Gatsby le Magnifique de Bar Luhrmann
Je pensais faire partie des cyniques qui allaient hurler à la mort. J’avais préparé mon slogan « Touchez pas au Gatsby » ! J’avais prévu de relire le roman et de pointer toutes les fautes de goût du réalisateur dans ma critique. Je comptais comparer les deux dernières adaptations et réhabiliter la version des seventies, si sobre par rapport à l’exubérance en 3D de Lurhmann. Et puis, je n’ai rien fait de tout cela. Car, à ma grande surprise, j’ai aimé cette version 2013 de “Gatsby le magnifique”.
Une adaptation fidèle à l’esprit de Fitzgerald
Le film s’inspire judicieusement de Gatsby le Magnifique de Francis Scott Fitzgerald. Une lecture que je vous recommande fortement ici ! Notons que, contrairement à son adaptation de « Roméo et Juliette » de Shakespeare (« Romeo+Juliet »), Baz Luhrman a conservé l’époque du livre de Fitzgerald, visiblement inspiré par les années folles.
Baz Lurhmann nous met dans la peau du narrateur fitzgeraldien Nick. Il nous fait ressentir l’ivresse des années 20 à New York. On savait que Baz Luhrmann avait le don de filmer les fêtes avec extravagance et décadence … Sa mise en scène est résolument bling bling (allergiques au clinquant, passez votre chemin !). Sous l’exubérance et l’orgie visuelle, le spectateur averti pressent l’immense gueule de bois et désillusion post années folles Le krach boursier et la terrible crise ne sont pas loin… Il faut dire que la 3D immersive et la durée du film (2 heures 30) accentuent cet effet « gueule de bois » – j’imagine que cette immersion est totalement voulue par le réalisateur. Notons au passage que pour un début de festival, le choix de ce film était idéal : paillettes, robes et costumes sublimes, alcool qui coule à flots, voitures rutilantes, et fêtes monumentales. Les scènes de bal sont moins spectaculaires que celles de Moulin rouge. Cependant les deux films sont assez proches dans leur narration et style, même si Baz semble être relativement plus sage que dans Moulin rouge…
Gatsby est un roman qui avait choqué à sa sortie, la romancière Edith Wharton l’avait d’ailleurs qualifié d’orgie… Or Baz suggère la sexualité, plus qu’il ne nous la montre ou dénonce. Moulin rouge était plus cru, finalement, ainsi que la série Boardwalk Empire. La bande son totalement anachronique mais remixé jazz se fond dans le film. Je pense cependant qu’elle n’est pas aussi réussie que celle de « Moulin Rouge ». Petit bémol : le rap et le hip hop sont un peu trop « tape à l’oreille ». La BO de Django version Tarantino également décalée sonnait mieux. En tout cas, cet aller-retour entre le passé et le présent est un point clé du film.
Les années folles… Extrêmement fortes et incroyablement près !
« On ne peut pas revenir sur le passé » nous dit-on dans le film – mais l’histoire se répète… semble nous souffler à l’oreille le réalisateur. Comment en effet ne pas voir de liens entre notre époque de récession et de consumérisme et celle de Gatsby ? Comment ne pas comparer les traders de Wall Street des années 20 avec ceux des années 2000 ? Les autres personnalités déferlant chez Jay Gatsby à nos stars du petit et grand écran ? On retrouve aussi le fossé entre pauvres et riches, la peur de l’étranger et la tentation du racisme pour protéger ses avantages ( le personnage de Tom). Le constat dans Gatsby est glacial : les nantis s’en sortiront toujours, le déterminisme social est total. Il y a un côté « bûcher des vanités » dans le film, et pas seulement à cause d’un accident de voiture… Oui, le roman était sociologique et le réalisateur n’a pas occulté cet aspect, même s’il a choisi de se concentrer sur l’histoire d’amour de Gatsby.
Gatsby : casting en or pour génération perdue
Parlons des acteurs : en 2010, j’étais assez perplexe devant l’annonce du casting. Sauf pour DiCaprio que je visualisais bien en dandy torturé. Nick, c’est Tobey Maguire, observateur à la fois à l’intérieur et à l’extérieur… Ecrivain frustré et apprenti courtier. Le choix de Maguire me laissait perplexe et quand je l’ai vu la première fois, dans ce sanatorium enneigé, alcoolique, dépressif, j’ai eu peur que le réalisateur se soit fourvoyé. Pour Nick, l’écriture est thérapeutique et automatique : le texte original apparaît sur les images souvenirs du narrateur.Un procédé qui en énervera certains mais qui fonctionne à mon avis comme un hommage au texte original…
DiCaprio est un Gatsby… magnifique ! Ce rôle lui va comme un gant. Sous le complet rose, on sent le rêve et les illusions, la folie et la violence réfrénée, l’envie de s’élever… Baz Luhrmann et lui avait déjà collaboré pour Roméo + Juliet. Nick est fasciné par Gatsby, self made man romantique, tragique et enfantin, et nous aussi… Dans le roman, Gatsby est plus un fantasme d’homme parfait, on ne le trouve pas toujours sympathique. Ici, dès son apparition très théâtrale, on ne peut que tomber sous le charme et être du côté de Jay Gatsby. DiCaprio est plus passionné que Robert Redford dans la version 70s, et je rapprocherai sa performance de celle d’Aviator ( léger bémol sur sa fin dans Gatsby mais je ne veux pas dévoiler la conclusion de l’histoire). De plus, DiCaprio et Luhrmann ajoutent un ingrédient : l’ironie. J’ai souri lors qu’il est intimidé par Daisy : on dirait un grand gamin, et c’est Nick, plus jeune et moins séduisant, qui lui donne des conseils.
Et la fraîche Carey Mulligan en Daisy ? D’accord, l’actrice a déjà figuré dans des adaptations de romans en costumes : Une éducation, Orgueil et préjugés… D’accord son joli minois s’accorderait à la fragilité apparente de Daisy. Elle est très émouvante, et on comprend que deux hommes sollicitent ses faveurs.Il lui manque cependant le côté irritant de Mia Farrow. Là encore, c’est peut-être un choix. En effet, plus dure sera la désillusion sur ce personnage pour le spectateur ! Carey s’en sort très bien, même si je préfère l’interprétation de Mia Farrow. Le reste du casting est irréprochable, même si DiCaprio domine l’ensemble. Alors que peut-on regretter dans cette adaptation ?
On pourra reprocher à Lurhmann qu’il en a trop fait, que trop de perfection esthétique nuit à l’émotion (reproche qui a été fait également à Michel Gondry pour son Ecume des jours). On pourra déplorer que Baz Luhrmann ait cédé aux sirènes de la 3D – même si, personnellement, j’ai aimé voir les cotillons en relief, ou la reconstitution art déco très artificielle des bâtiments. Le seul reproche que je fais à cette mise en scène décorative, c’est sa longueur et son côté parfois trop appuyé, insistant. Les spectacle plus court aurait eu un impact encore plus fort !
Conclusion
On a récemment retraduit le roman de Fitzgerald, et certains y avaient vu un sacrilège.Voilà que Baz Luhrmann nous rend sa copie, sa traduction, sa version de « The Great Gastby ». Une version qui lui y est propre, le réalisateur restant fidèle à son style, même s’il aurait pu aller encore plus loin… La mise en scène est donc bling bling et appuyée, mais l’esprit de Fitzgerald me semble respecté. DiCaprio est magnifique et le reste du casting ne déçoit pas. J’essaie d’imaginer Fitzgerald et Zelda avec leur lunettes 3D sur le nez, découvrant l’énième adaptation… Auraient -ils été convaincus ? Auraient-ils quitté la salle comme ils l’ont fait avec la version de Broadway ?
Fitzgerald, lui qui a écrit tant de scénario pour Hollywood, se serait-il réconcilié avec le septième art en 2013 ? Mystère. Une chose est certaine : l’histoire créée par Fitzgerald restera forte et moderne, peu importe sa forme.
Synopsis de Gatsby le Magnifique
« Printemps 1922. L’époque est propice au relâchement des mœurs, à l’essor du jazz et à l’enrichissement des contrebandiers d’alcool… Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s’installer à New York. Voulant sa part du rêve américain, il vit désormais entouré d’un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby, qui s’étourdit en fêtes mondaines, et de sa cousine Daisy et de son mari volage, Tom Buchanan, issu de sang noble. C’est ainsi que Nick se retrouve au cœur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges. Témoin privilégié de son temps, il se met à écrire une histoire où se mêlent des amours impossibles, des rêves d’absolu et des tragédies ravageuses et, chemin faisant, nous tend un miroir où se reflètent notre époque moderne et ses combats. »
(in DP)
Pour aller plus loin :
- La bande originale de Gatsby le Magnifique.
- Mon avis sur le film des années 70 de Jack Clayton avec Robert Redford
- Télérama.fr a recueilli les avis des critiques US : A la veille de Cannes, “Gatsby le magnifique” n’emballe pas les critiques américains
- Une vidéo de la montée des marches de l’équipe du film :
Très bonne analyse!!
Merci beaucoup ! Venant de la part d’esprit paillettes, ce compliment me touche d’autant plus !
Étant une inconditionnelle de Moulin Rouge, les similitudes entre les deux films m’ont tout de suite frappée! Ce qui m’a déçue car cela donne une impression de manque d’originalité de la part du réalisateur (à moins qu’il ne fut inspiré par Gatsby pour réaliser Moulin Rouge?). Et c’est vrai qu’il y a trop d’effets visuels. Cela fait presque « faux ». Mais le casting est impeccable et il y a de jolies notes d’humour.
Merci pour le commentaire. Oui, on pourrait transposer chaque personnage de Moulin rouge en personnage de Gatsby… L’humour, je n’en ai pas tellement parlé , mais il y en a… Notamment la scène du thé !
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C’est un film que j’ai beaucoup apprécié. C’est vraiment une belle histoire, et ce, malgré une fin tragique.