Menu Fermer

[Avis] La Marche de Nabil Ben Yadir avec Olivier Gourmet, Charlotte LeBon & Jamel Debbouze

L’heure est aux commémorations. Après les 50 ans de la Marche pour l’égalité organisée à Washington par Martin Luther King et d’autres militants cet été, un événement marquant pour les Etats Unis et le monde entier, voici venu le temps de se souvenir d’une autre marche, plus modeste, mais qui a compté en France. Celle de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Nabil Ben Yadir, jeune réalisateur belge, nous propose une séance de rattrapage avec l’Histoire.

 

la marche affiche

 

 

AVIS

 

Une fois n’est pas coutume, commençons par le synopsis : « En 1983, dans une France en proie à l’intolérance et aux actes de violence raciale, trois jeunes adolescents et le curé des Minguettes lancent une grande Marche pacifique pour l’égalité et contre le racisme, de plus de 1000 km entre Marseille et Paris. Malgré les difficultés et les résistances rencontrées, leur mouvement va faire naître un véritable élan d’espoir à la manière de Gandhi et Martin Luther King.Ils uniront à leur arrivée plus de 100 000 personnes venues de tous horizons et donneront à la France son nouveau visage. » (In DP)

Ou comment ce qui aurait pu être un faits divers est devenu un symbole et un acte politique.

les marcheurs

La Marche est une épopée humaniste. C’est aussi un film de mémoire, cet événement datant d’une trentaine d’années étant relativement méconnu, voire inconnu des jeunes générations. Nabil Ben Yadir, jeune réalisateur belge a co-écrit le script : il adopte un point de vue assez neutre, puisqu’il n’a pas connu les événements. En même temps, le film nous touche, les événements décrits (bien qu’adaptés pour la fiction) ne peut que nous émouvoir, et le casting est attachant.

Ce qui est intéressant dans le film – et dans les faits réels – c’est que la Marche est partie de presques rien, juste une impulsion de quelques jeunes et d’un prêtre suite à une bavure policière (Mohamed dans le film /Toumi dans la vraie vie est blessé par un policier). Des gens ordinaires. Des » idéalistes ». L’esprit de la Marche, c’est pour rassembler les Français de tous bords. (C’est pourquoi il est impropre de qualifier cette marche de « Marche des Beurs » comme les médias l’ont fait, par raccourci). En regardant le film, on comprend que La Marche est une démarche fraternelle, apolitique et athée qui a fini par avoir  des conséquences politiques. Même si les marcheurs n’étaient pas dans une démarche revendicatrice à la base. On nous apprend aussi que les marcheurs n’ont jamais voulu être associés à un quelconque mouvement politique ou une association comme SOS Racisme).
De même, on espère que la Marche, le film, ne sera pas récupéré ou détourné de son propos. L’avenir nous le dira. En attendant, le film a été montré au Président de la République et à certains hommes politiques.  A noter que La Marche a été récompensé le 30 octobre dernier par la Fondation ENAR pour son engagement contre le racisme.

Ce qui est aussi très bien dans le film, c’est la reconstitution de la France des années 80.  Cela commence dès le générique. Effet Madeleine de Proust garanti ( et pourtant il faut répéter que le réalisateur était enfant en Belgique à cette époque.)
Autre point fort : les acteurs font preuve de talent. C’est un film choral et personne ne semble vouloir tirer la couverture à lui.  Christian Delorme, le curé des Minguettes, c’est Olivier Gourmet (L’Exercice de l’état). Que dire à part que l’acteur belge est génial, comme toujours ? Sa compatriote Lubna Azabal interprète Kheira, la pasionaria du groupe, la militante rebelle, un rôle fort qu’elle maîtrise parfaitement, faisant preuve de finesse et d’intensité. Il faut dire que depuis Incendies de Denis Villeneuve, elle avait montré toute l’étendue de son talent. Jamel Debbouze depuis Indigènes, semble préférer les relativement courtes apparitions dans des films parlant de l’immigration, et utiliser sa popularité pour aider des films à petits budgets. Ici, il interprète un individu à la fois pathétique et comique… Clochard, voleur drogué, mais en recherche d’affection et avec des moments de tendresse et de drôleries touchants.  Il ne faut pas oublier le bourru Philippe Nahon, sorte de mélange entre « Papy Mougeot »,  Jean Gabin et Jean Carmet :  le type de personnes qu’on pense raciste et beauf, et qui finalement s’avère généreux et ouvert d’esprit. Hafsia Herzi a également un beau rôle, celui d’une étudiante qui va prendre peu à peu le contrôle de sa vie. Enfin il reste le trio des Minguettes : Tewfik Jallab, remarqué dans Né quelque part, interprète avec sensibilité et conviction. Le personnage de Mohamed, l’instigateur de la Marche.(dans la vraie vie, il s’agit de Toumi Djaïdja, président de l’association SOS Avenir Minguettes). Un acteur à suivre tout comme Vincent Rottiers qui interprète son meilleur ami. Citons aussi  les marcheurs Nader Boussandel  ou Charlotte Le Bon, très convaincants tous les deux. Même les plus petits rôle sont bien trouvés, notamment Corine Masiero. Bref, aucune fausse note du  côté acteurs.

Alors bien entendu, on peut trouver quelques bémols dans La Marche. Comme tout film inspiré de faits réels, il faut bien sûr garder en mémoire que le script a introduit des éléments fictionnels, a amalgamé des personnages ou des situations. Certaines situations avec le personnage de Malik Zidi (qui travaille pour les Renseignements Généraux) m’ont un peu interloquée -en même temps, je ne suis pas une spécialiste du fonctionnement des RG. La fin, quoique très émouvante, fait un peu « success story » ou biopic à l’américaine avec l’invitation des marcheurs à l’Elysée et les cartons de fin nous expliquant ce que les marcheurs ont obtenu de François Mitterrand :  la carte de séjour et de travail valable pour dix ans, une loi contre les crimes racistes et un projet sur le vote des étrangers. Je pense qu’il m’a manqué quelques repères d’ordre historique (par exemple, les marcheurs ont-ils rencontré Harlem Désir ?) et qu’il faut lire les livres du Curé des Minguettes et le futur livre de Toumi Djaïdja pour en savoir plus.

La Marche est un film à voir,  parce qu’il parle d’un événement oublié des livres d’Histoire. C’est aussi une bonne reconstitution des années 80, avec un scénario mélangeant  drame et rires, avec d’excellents acteurs. Enfin, c’est un film porteur d’un beau message de fraternité, de non violence et de paix. Un message qui ne peut que nous faire réfléchir.

la marche bandeau casting

 

LA MARCHE,
un film de Nabil Ben Yadir avec Olivier GourmetTewfik JallabVincent RottiersM’Barek Belkouk,Lubna AzabalNader BoussandelCharlotte Le BonHafsia HerziPhilippe Nahon et Jamel Debbouze

Scénario : Nabil Ben Yadir, Nadia Lakhdar & Ahmed Hamidi

Durée : 91 min

Sortie le 27 Novembre 2013

LA BANDE ANNONCE :

 

Le site avec la marche virtuelle : http://jemarche.fr/

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.