Wes Anderson est un architecte du cinéma. Après nous avoir transportés dans un hôtel parisien, dans un ashram en Inde, et baladés aux USA, le voici qui s’attaque à l’Europe… ou du moins une Europe fantasmée, un pays imaginaire : « le Zubrowska » ( toute ressemblance avec une marque de vodka est bien entendu volontaire…)
Les fondations
Wes Anderson construit son cinéma. Ses fondations sont solides et uniques ; son style est reconnaissable entre mille. La structure des films d’Anderson est reconnaissable entre mille : une ambiance nostalgique, souvent démodée, rétro et /ou intemporelle, avec un chœur d’acteurs, des habitations filmées comme des maisons de poupées, un cadre très structurés… Mais le tout est plein de fantaisie. On assiste ainsi à la plus longue, complexe et drôle « grande évasion » de l’histoire du cinéma, digne des Pieds nickelés. Ou à une course à traîneau contre skis qui battrait tous les records aux JO d’hiver. James Bond, Captain America ou Tintin n’auraient pas fait mieux !
La déco et la peinture
Ce Grand Budapest Hotel fait d’ailleurs carrément penser à une bande dessinée qu’on aurait animée. Un BD remplie de détails amusants, déjantés. Wes Anderson a un style graphique proche de la ligne claire… Le réalisateur a également beaucoup travaillé sur la couleur.L’hôtel est rose bonbon ( apparemment il s’inspire d’un véritable hôtel), les couleurs pastels (de la pâtissière Agatha, de l’hôtel à la Belle époque), s’opposent aux couleurs sombres des officiers et au noir porté par les « méchants ». De la belle ouvrage, comme on dit.
Le ciment
Et puis il y a les petits nouveaux.
Ralph Fiennes est absolument génial en majordome grand luxe : ce « M. Gustave » a vraiment un « air de panache ». C’est une sorte d’anti Stevens ( pour ceux qui ont vu /lu
« Les Vestiges du jour« …) Tilda Swinton est méconnaissance en riche octogénaire coiffée comme Marie-Antoinette. Un autre acteur peu gâté physiquement dans le film, c’est Willem Dafoe, un terrifiant homme de main qui pourrait être le neveu de Nosferatu. Le « name dropping » n’étant pas ma spécialité, je vais me contenter de citer sans commenter
F. Murray Abraham,
Mathieu Amalric, Jude Law, Saoirse Ronan, Léa Seydoux, Harvey Keitel. Seul inconnu au bataillon : Tony Revolori, qui incarne Zéro le héros de cette histoire (enfin : héros, façon de parler , car le film est choral…)
Les piliers (de l’histoire)
L’histoire est presque accessoire : qui a tué Madame D. , et pourquoi ? Une sorte de Cluedo mêlé à un sous texte historique… Alors que Wes Anderson nous parle à demi mots d’une époque troublée : à savoir l’entre deux guerres, et la montée du totalitarisme, je dois dire que j’ai ri de bon cœur, notamment du personnage de M.Gustave ou de certaines situations, ou encore de dialogues (parfois trilingues.)
La gravité sous-jacente du film tient peut-être à son inspiration : Anderson se serait inspiré de
Stefan Zweig, un écrivain, biographe, dramaturge et journaliste autrichien, qui s’est suicidé en 1942. L’auteur était prolifique, et son oeuvre a déjà été adaptée au cinéma : «
Lettre d’une inconnue » (adapté au cinéma par Max Ophüls, une version restaurée est visible en ce moment sur nos écrans. un e version chinoise aurait également été tournée en 2004 !).
« Amok », » Volpone », » Marie-Antoinette « , » Le Joueur d’Echecs » et « La Pitié Dangereuse » furent également l’objet d’une adaptation au cinéma. (J’en oublie certainement)… Enfin
« Une Promesse » de Patrice Leconte s’inspire également d’une de ses nouvelles. Nouvelle intitulée … »
Le voyage dans le passé «
(Die Reise in die Vergangenheit / Widerstand der Wirklichkeit ! Justement, « The Grand Budapest Hotel », c’est cela : un voyage dans le passé (fictif, mais s’inspirant d’évenements réels !)
« The Grand Budapest Hotel » est donc dédié à Zweig, d’ailleurs l’écrivain à la fragile santé, devenu idole Zubroskienne, n’est-elle pas un double de Zweig ? Ou s’inspire t- il de Thomas Mann, rapport à sa « Montagne Magique ».
Comme pour compenser cette gravité, Anderson ajoute des éléments plus burlesques (et oui), entre Agatha Christie, Chaplin … On peut aussi y voir du Wilder, du Lubitsch… Anderson se fait plaisir en mêlant leur influences, et en brouillant les pistes pour se concocter un univers bien personnel.
Les finitions
Niveau technique, rien à redire : belle photo et musique à la balalaïka nous baignent dans une ambiance « carte postale ». La BO et le générique sont peut-être un peu moins marquants que ceux de
MoonriseKingdom, son précédent film. Qu’importe !
Il n’en reste pas moins que « The Grand Budapest Hotel » est un excellent film. Ce n’est peut-être pas la pierre d’angle du cinéma « Wesandersonien », car son cinéma vieillit comme du bon vin.
Pour Wes Anderson, cinéaste nostalgique et souvent mélancolique, on peut penser que le meilleur reste à construire !
En conclusion :
Nostalgie, humour, esthétique réussis et casting en or. Ce film a bien un « Air de Panache ». Réservez une chambre au Grand Budapest Hotel !
The Grand Budapest Hotel
Bande-annonce VO
- Merci au Club 300 d’Allociné pour cette projection en avant-première !
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