Séance de rattrapage du dernier Spielberg. Le réalisateur américain a choisi cette fois de parler d’un fait historique, à savoir la révélation d’un scandale d’État aux Etats-Unis, scandale intervenu peu avant le Watergate : la publication des papiers du Pentagone, une étude classée secret défense par le Département de la défense sur la guerre du Viêt Nam. Voici mon avis sur ce film qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Synopsis
Première femme directrice de la publication d’un grand journal américain, le Washington Post, Katharine Graham s’associe à son rédacteur en chef Ben Bradlee pour dévoiler un scandale d’État monumental et combler son retard par rapport au New York Times qui mène ses propres investigations.
(via Universal)
Avis :
On pourra reprocher à « Pentagon Papers » un certain classicisme dans sa forme. Ce n’est pas faux. C’est classique mais efficace.
En parlant de forme, la photographie de Janucz Kaminski est superbe. Le grain, la colorimétrie, les lumières, tout est travaillé … Et c’est un sans faute du côté des décors, costumes, ou musique ( avec des compositions signées de l’increvable John Williams.)
Le film est une réflexion sur la liberté d’expression. Spielberg filme la pression exercée par les politiques sur les journalistes.Les liens entre journaux rivaux. Les liaisons souvent dangereuses entre presse et politique. Ce qui est intéressant, c’est de voir que le Washington Post était dans les années 60/70 un « petit » journal familial et que les dirigeants des journaux se connaissaient tous entre eux et fréquentaient les hommes politiques de l’époque…
Et surtout, le film nous montre au final comment la décision d’une femme, Katharine Graham, a eu un impact sur le premier amendement et les hommes politiques, notamment le Président Nixon.
Une femme qui semble avoir vécu dans l’ombre de son père puis de son mari… Une femme qui finit par s’affirmer pour jouer gros : son entreprise, sa liberté et le sort de ses employés.
Steven Spielberg est visiblement admiratif de Katharine « Kay » Graham, et il faut dire qu’il est très intéressant de voir son évolution et ses réflexions sur la place des femmes. Au début du film, elle paraît peu sûre d’elle en raison de son manque d’expérience professionnelle, et Spielberg nous la montre clairement isolée dans un milieu dominé par les hommes.
Certaines scènes font tiquer : par exemple la réunion qu’elle a soigneusement préparée et où elle n’osera prendre la parole, souffrant de la misogynie ambiante mais aussi du syndrome de l’imposteur… citons encore la scène où son collègue dit qu’elle ne réussira jamais à diriger le journal car c’est « une femme de »et « une fille de » .
Plus tard dans le film Kay expliquera à sa fille qu’elle ne voulait pas cette responsabilité, qu’elle ne s’y attendait pas, qu’elle était à l’époque heureuse d’être femme au foyer, illustrant parfaitement l’expression « Autre temps, autre mœurs ».
Meryl Streep incarne de manière convaincue et convaincante Kay Graham. Il faut dire que c’est un rôle en or qui a valu à Mademoiselle Streep une énième nomination aux Oscars… Va t -elle remporter la statuette ?
Tom Hanks est aussi irréprochable dans le rôle du rédacteur en chef têtu et fort en gueule Ben Bradlee ; les « seconds couteaux » sont des acteurs de talent comme Sarah Paulson (qui hérited’une scène émouvante et un brin féministe ), ou encore Bob Odenkirk, un journaliste aux bons tuyaux, Michael Stuhlbarg en directeur du « New York Times » … et j’en passe
En plus de bénéficier d’une histoire intéressante et toujours d’actualité sur la liberté d’expression et le pouvoir de la presse, et la place des femmes dans la société « the Post » bénéficie d’un casting 4 étoiles ( Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson, Bob Odenkirk, Tracy Letts, Michael Stuhlbarg...) d’une mise en images remarquable. Le film est un superbe hommage au journalisme, et aux femmes.
Je n’ai donc pas grand-chose à reprocher si ce n’est que Steven Spielberg ne sort pas de sa zone de confort avec ce film. Peut-être le fera- t-il avec « Ready Player One » ?
Pentagon Papers
De Steven Spielberg
J’ai beaucoup aimé ce film, bien fait, très bien joué. Certes, un peu classique mais qui me réconcilie avec Steven Spielberg qui avait tendance à se perdre dans ses derniers films.
Je crois que « Ready Player One » sera au contraire un film très « Spielbergien », il revient à ses premiers amours cinématographiques.
Et pour la statuette, j’adore Meryl mais c’est Frances McDormand qui mérite de l’avoir.