J’ai eu la chance de voir LA FORME DE L’EAU (The Shape of Water) en avant-première présentée par Thierry Frémaux en octobre dernier, dans le cadre du Festival Lumière. Vous avez déjà dû entendre parler de Guillermo Del Toro, réalisateur mexicain au cinéma si particulier ; son dernier film en date est le gothique Crimson Peak (mais juste avant Del Toro avait mis en scène une titanesque bataille entre kaijus et robots géants dans Pacific Rim…)
Vous avez sans doute déjà eu vent du film dont nous allons parler, avec toutes ses récompenses et ses nominations aux Oscars sans compter le fait que le film de Guillermo Del Toro a obtenu le Lion d’Or lors du dernier festival de Venise…
Que vaut donc LA FORME DE L’EAU (The Shape of Water) ? Je vous donne mon avis ci-dessous (attention, je fais référence à quelques scènes du film sans divulguer le contenu en détails).
Synopsis :
Dans l’Amérique de la Guerre Froide, Elisa, une jeune femme solitaire et muette, travaille comme femme de ménage dans un laboratoire militaire du gouvernement.
Avis : La Forme de l’eau : Tératologie et guerre froide.
« La Forme de l’eau », c’est donc un conte fantastique se passant pendant la guerre froide aux États-Unis. Et les héros de cette histoire sont un monstre mi – homme mi-poisson et une jeune femme muette.
Après « Le Labyrinthe de Pan » et « Crimson Peak », le réalisateur propose à nouveau un récit fantastique pour adultes, récit ancré dans un contexte historique précis.
Je tente, dans les lignes suivantes, d’analyser les influences du film puis de vous dire pourquoi j’ai adoré le film. Je pense que c’est une œuvre d’une grande richesse et que plusieurs visionnages sont nécessaires.
La Forme de l’eau, point de confluence
Le film de Del Toro est comme un fleuve alimenté par des nombreux affluents ( un affluent est un cours d’eau qui se jette dans un autre cours d’eau) : il est irrigué par diverses influences extérieures au travail du réalisateur mexicain ou même par sa propre mythologie.
Attention, les influences extérieures au film constituent un point sensible, Del Toro ayant été accusé de plagiat trois fois. La famille de Paul Zindel accusait récemment Guillermo Del Toro d’avoir copié la trame de la pièce de théâtre « Let me hear you » écrite en 1969, et adapté au cinéma par la suite. C’est l’histoire d’une femme de ménage dans un laboratoire qui arrive à communiquer avec un dauphin et finit par le sauver.
Le film aurait également plagié un court -métrage néerlandais nommé « the Space between Us » (encore une histoire d’amour entre une créature mi -homme mi-poisson et une technicienne de surface, mais cette fois après une guerre nucléaire.)
Enfin, Jean-Pierre Jeunet a noté des similitudes, voire des scènes identiques, entre « La Forme de l’eau » et ses films « Delicatessen » et « Amélie Poulain »… il est vrai qu’on pense à « Amélie Poulain » lors de la description de la vie solitaire d’Elisa, d’autant plus que Sally Hawkins, alias « Elisa », présente quelques similitudes avec une Amélie Poulain plus âgée et partage la même espièglerie. Enfin la lumière et la colorimétrie peuvent certainement être étudiées et comparées…
Pour ce qui est de « Delicatessen », je n’y ai pas pensé sur le coup, mais oui, il y a des scènes quasi identiques… Guillermo Del Toro aurait répondu qu’il s’inspirait de Terry Gilliam tout comme Jeunet avant lui.
Ajoutez à cela un passage- comédie musicale, une scène de mime ou de danse digne de Charlie Chaplin ou Buster Keaton…
Loin de moi l’envie de trancher dans ce débat entre le plagiat conscient et l’influence inconsciente, ce « Shape of Water-gate » (merci de ne pas reproduire ce jeu de mot sans mon accord !).
On ne peut nier que Guillermo Del Toro s’inspire d’autres créations pour engendrer sa propre œuvre, comme une chimère faite de différents animaux.
L’histoire d’amour entre Elisa et son homme-poisson, elle, fait penser à « La Belle et la Bête » ou à la mythologie gréco-latine, lorsque Zeus se métamorphosait en animal ou en pluie d’or pour avoir des relations sexuelles.
Personnellement une scène avec une baignoire m’a fait penser à « Splash » où une sirène mal en point se fait soigner par un jeune homme puis tombe amoureuse de ce dernier … Del Toro a (délibérément) reproduit la fenêtre des Chaussons rouges.
Prenons un dernier exemple : la créature amphibie de « La Forme de l’eau ». Elle s’inspire du « Dillman » des films d’horreur que le réalisateur mexicain regardait petit et très vraisemblablement de « l’étrange créature du Lac Noir » de Jack Arnold.
Del Toro s’autocite même. Ainsi la créature de « La forme de l’eau » fait également penser à Abe Sapiens de « Hellboy » – comics de Mike Mignola adapté au cinéma par Del Toro himself…
Et pour faire encore mieux le lien entre Abe et la créature de « The Shape of Water », je vous le donne dans le mille : c’est le même acteur, le fidèle et dégingandé Doug Jones, qui a enfilé les deux costumes d’homme- poisson.
Les deux hommes -poissons raffolent des œufs, c’est certainement un Easter egg ou un œuf de Pâques, bref c’est un clin d’oeil assumé de Del Toro pour lier les deux films.
On pourra trouver d’autres ressemblances avec les films de Guillermo Del Toro, par exemple l’histoire d’amour inter-espèces entre Hellboy et Liz Sherman. D’ailleurs Abe Sapien tombe amoureux d’une personne d’une autre espèce dans « Hellboy II » ; d’accord : il s’agit d’une princesse elfe mais elle a une apparence presque humaine.
Le thème du handicap ou de la personne « inadaptée » à la société qui s’épanouit autrement est parfois souvent abordé… Chuy dans « Mimic » est autiste, Aurora dans « Cronos » est muette, quant à la petite héroïne du « Labyrinthe de Pan », elle vient d’un autre monde et ne s’épanouira vraiment que dans ce monde parallèle.
Sans parler des touches formelles comme la voix off utilisée par exemple dans « le Labyrinthe de Pan » et reprise dans « La forme de l’eau »… Il n’y a guère que la religion qui ne soit abordée dans le film – à part peut-être, et c’est capillotracté, le fait que la créature soit torturée et qu’elle ait le pouvoir miraculeux de guérir voire ressusciter tout comme le Christ ?
Et puis le personnage de Richard Jenkins qui souhaite redevenir jeune ne vous fait pas penser au grand -père de « Cronos » ?
De même, le « méchant » incarné par Michael Shannon n’est-il pas le vrai monstre de l’histoire tout aussi terrifiant que le personnage du beau-père d’Ophélia dans « Le Labyrinthe de Pan« ?
Bref, »La Forme de l’eau » recycle, rend hommage et fait des clins d’œil à la filmographie de Del Toro ou à des cinéastes / œuvres d’art, qu’il admire.
Petite nouveauté … ou nouvel affluent si je continue à filer la métaphore… Le film noir d’espionnage. Le film reprend les codes du film d’espionnage avec le contexte de la guerre froide, et en particulier l’affrontement entre les Américains et les Russes, le »monstre » devenant un enjeu politique, et une « arme » dans la guerre psychologique que se livrent les deux pays. Après la course à l’armement, aux étoiles et à la Lune, la course au monstre…
Pourquoi j’aime La Forme de L’Eau ? Parce c’est beau !
« L’eau prend la forme de son contenant, mais malgré son apparente inertie, il s’agit de la force la plus puissante et la plus malléable de l’univers. N’est-ce pas également le cas de l’amour ? Car quelle que soit la forme que prend l’objet de notre flamme – homme, femme ou créature – l’amour s’y adapte. »Guillermo del Toro
J’ai survolé ton avis pour le plaisir de revoir la bande annoncé, je vais le voir dans 2 semaines et je ne tiens pas à en savoir trop sur ce film.
Je reviendrai poster mes impressions lorsque je l’aurai vu, mais il a l’air magnifique comme film.
D’un ennui sans fond ou Del Toro ne se gène pas pour allègrement piller dans l’univers de JP Jeunet,
Rien à sauver, tout juste une série B ou pouvant servir d »épisode d’X-Files
Je ne suis pas d’accord avec vous. Mais c’est la beauté du cinéma : on voit le même film mais on ne partage la même vision et analyse du dit film !