Le pitch
« Jeune ouvrier, Peter passe l’essentiel de son temps libre à construire une maison pour ses parents, des patrons de bistrot qui ne lui ont jamais donné beaucoup d’affection. Depuis son enfance, le garçon souffre de la froideur et de l’incompréhension de ceux envers qui il manifeste des signes d’amour. Afin de ne pas être un poids pour ses parents dans leur nouvelle maison, Peter déménage à Munich avec Erika, la jeune fille qu’il vient d’épouser. Le couple découvre les affres et les tentations de la grande ville. S’évertuant à offrir à sa compagne le meilleur confort matériel possible, Peter travaille d’arrache-pied et cumule les heures supplémentaires. Mais le couple s’endette irrémédiablement… »
Résumé : Carlotta Films
Un drame de Rainer Werner FASSBINDER datant de 1976 (oui c’était encore la RFA à l’époque) sous forme de téléfilm, sorti sur nos écrans français pour la première fois en avril 2011, c’est un événement. Mais cela me faisait un peu peur.
Fassbinder, c’est un peu comme Bergman, on associe ces noms à un cinéma impressionnant, déprimant, voire carrément à un pensum… Or, depuis que j’ai appris que des lycéens ont apprécié certains films de Fassbinder dans des cinéclubs (sûrement n’ont-ils pas vu Querelle ), et que j’ai moi-même vu le long mais moderne le Monde sur le Fil du même Fassbinder, ma vision du cinéaste a changé. Donc oui, j’ai trouvé le Monde sur le Fil,(une sorte d’ancêtre de Matrix) et ce film intéressants. Intéressants notamment parce que les films de Fassbinder font que l’on s’interroge sur la nature des relations humaines (et souvent amoureuses), notamment sur la relation dominant/dominé.
Le thème de Je veux seulement que vous m’aimiez, c’est la relation de Peter avec ses parents (castrateurs, froids) et avec sa jeune épouse qu’il souhaite gâter par dessus tout, quitte à lui mentir et à s’endetter. Peter, c’est le garçon qui veut trop bien faire, la pauvre type qui se tue à la tâche, fait des heures sup’… avant d’imploser. Car le gentil, le travailleur Peter va « péter les plombs » et tuer… Peter le bâtisseur de maisons se décompose devant nos yeux, dominé par les rapports d’argent.
Il faut savoir que le film s’inspire de faits réels, et que cette déchéance paraît – hélas – totalement crédible et d’actualité en ces temps de crise, même si le film a 35 ans. Dès l’instant où l’on voit le jeune couple prendre son premier crédit, on sent que l’engrenage infernal est lancé.
Fassbinder a recours à un mise en scène particulièrement audacieuse pour un téléfilm : projections mentales, flashbacks… La spirale du mensonge et de l’endettement est décrite de façon implacable.
L’acteur principal Vitus Zeplichal est excellent, pathétique à souhait. R.W.Fassbinder dépeint une Allemagne blafarde, au bord de la crise.L’action se passe à Munich, « la ville la plus chère d’Allemagne », obsédée par l’argent et les signes extérieurs de richesse …
Rien de nouveau sous le soleil, même si ces signes de richesse ont un peu changé par rapport à maintenant, et que certains aspects du film ont un peu vieilli.
Je veux seulement que vous m’aimiez s’oppose totalement au film hollywoodien (défendant la valeur travail) et les films de yuppies des années 80(défendant la réussite et … Le gain). C’est aussi un anti ‘feel good movie’ qui gratte notre société où elle a mal : chômage, incommunicabilité …
Un film peu agréable à regarder,voire franchement plombant, mais marquant.
JE VEUX SEULEMENT QUE VOUS M’AIMIEZ
Un film de Rainer Werner FASSBINDER
Avec Vitus ZEPLICHAL, Elke ABERLE, Alexander ALLERSON, Erni MANGOLD
Scénario de Rainer Werner FASSBINDER
D’après l’ouvrage Lebenslänglich – Protokolle aus der Haft de Klaus ANTES et Christiane EHRHARDT.
Sorti au cinéma en avril 2011, en DVD le 5 octobre 2011.
Plus d’infos sur le film sur le site de Carlotta.
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Le DVD des éditions Carlotta comporte un bonus permettant de mieux cerner les intentions de Fassbinder :
« DE L’AMOUR ET DES CONTRAINTES :
SUPPOSITIONS SUR « JE VEUX SEULEMENT QUE VOUS M’AIMIEZ » »
un film de Robert Fischer (2010 – Couleurs – 60 mn).
Je cite le résumé :
« Ce documentaire inédit examine la proximité (possible) entre le réalisateur et son protagoniste, Peter. Le résultat n’est pas seulement un making-of tardif, mais aussi un film sur l’homme Rainer Werner Fassbinder et sa motivation artistique. »
Crédit photos : photographies et affiche extraites du site Carlotta Films – sauf celle de RW Fassbinder (Wikipédia)