« Zero Dark Thirty »signifie, en langage codé militaire, « minuit trente », soit l’heure à laquelle a débuté la mission de capture d’Oussama Ben Laden… Le film a été source de polémique aux États-Unis, notamment pour la façon très réaliste dont il dépeint la torture, Kathryn Bigelow ayant même été assimilée aux Nazis. Même si les oeuvres de Bigelow ne sont pas forcément ma tasse de thé, j’ai voulu voir ce film qui fait beaucoup parler de lui, et vous donner mon avis…
CRITIQUE
Le film dure longtemps et se découpe en plusieurs chapitres, j’ai donc décidé de découper ma critique en plusieurs parties également.
Un torture porn ?
Avant de l’avoir vu, je redoutais ces fameuses tortures décrites dans le film. Finalement, même si j’ai été impressionnée et que j’ai détourné les yeux, ce qui m’a le plus choquée, c’est la négation de l’individu et les réactions du bourreau que les séquences à proprement parler. donc au rayon tortures, Mark Boal et Kathryn Bigelow nous montrent une noyade simulée, conjuguée à des privations de sommeil et de nourriture. Puis on fera subir à Ammar (le Français Reda Kateb), frappé et flagellé, une mise en boîte (littéralement : on l’enferme dans une boîte), ainsi qu’une humiliation : être mis en laisse et traîné comme un chien, à quatre pattes. Le reste des interrogatoires se dérouleront de façon plus calme, à part quelques coups de poings infligés aux détenus…
« La fin justifie les moyens » : le recours à la torture est présenté comme un moyen légitime et normal pour obtenir des renseignements. Et la torture est encouragée ou du moins tolérée au début du film par les pontes de la CIA ( le film démarre le 11 septembre 2011). Peu importe les moyens du moment qu’on ait du résultat… Le chef de Maya, George (Mark Strong), résume la chose ainsi : « Faites votre boulot et amenez moi des gens à tuer ! »
Note : au lieu de démentir et de couper court à la polémique, le Sénat américain vient de créer une commission d’enquête afin de savoir si la CIA aurait divulgué des secrets d’État à Bigelow et son scénariste Mark Boal…
La patriote
Bigelow ne réalise que des films brutaux, et elle a été oscarisée pour « Démineurs » (avec Jeremy Renner) – mais cette fois son héros est une femme : Maya.Et Maya est interprétée par une physique fragile, Jessica Chastain… Jessica Chastain, actrice attirant la sympathie, déjà habituée à jouer des rôles un peu troubles comme dans « L’affaire Rachel Singer » où elle incarnait une terroriste. Personnellement, je l’avais trouvée beaucoup plus nuancée dans Take Shelter… Ici on voit une jeune (recrutée après le lycée) qui se transforme en femme obsédée par son objectif : éliminer Ben Laden. Ses motivations ne sont pas explicites au début, mais ensuite elles sont claires : la vengeance de ses collègues tués. Même si on lui explique qu’elle serait plus utile pour son pays en faisant autre chose, elle s’obstine à suivre la piste du messager de Ben Laden… Pendant 12 ans, elle alternera en phases d’abattement et détermination totale, mettant sa vie de femme et ses sentiments de côté. Douze ans, c’est long, et parfois on est un peu perdu dans cette quête , et on décroche presque. Pas Maya qui veut aller au bout, quitte à en mourir. On ne reverra sa fragilité que lors de la scène finale. Donc oui, c’est une beau rôle pour l’actrice mais je l’ai préférée ailleurs. « Eye on the prize » : le personnage de Maya a permis à Jessica de remporter le Golden Globe de la Meilleure actrice. Elle est aussi nommée pour l’Oscar de la Meilleure actrice…
A côté, les autres personnages sont moins développés : l’agent Dan (Jason Clarke) le spécialiste de la torture finit par retourner à Washington parce qu’on a tué ses singes de compagnie et parce qu’il sent le vent tourner… Les liens que Maya tissent avec ses collègues et supérieurs auraient pu être plus développés, mais le film prend le parti de se focaliser sur le personnage de Maya.
Le raid
La traque de Maya finit par porter ses fruits. Son équipe a localisé Ben Laden. Encore faut- il convaincre ses supérieurs… Je vous passe les détails mais nous voilà au « Zero Dark Thirty », la nuit du raid contre le repère de Ben Laden à Abbottabad.
C’est la scène la plus spectaculaire du film… Cette scène est filmée avec un minimum de lumière par une caméra spéciale « l’Alexa » qui donne une image un peu trouble. Bien entendu, rien ne semble se passer comme prévu dans l’opération. D’abord, un crash … ensuite la tension est à son comble et la fusillade dans le noir fait penser à un terrible jeu de cache -cache ou jeu vidéo… Puis on entend l’un de Seals s’exclamer : » J’ai tué le mec du niveau 3 ! »- c’est à dire Oussama Ben Laden- à la fois étonné et horrifié par son geste. Un moment assez poignant. De même lorsqu’on voit une femme se pencher sur le corps de son mari et se faire descendre par un soldat, et que l’on entend les enfants pleurer … Les soldats doivent déguerpir en quelques minutes en emportant le maximum de documents. La tension de cette scène est encore accentuée par l’obscurité. Puis vient l’identification de Ben Laden par Maya, et la conclusion du film.
Et le message ?
A la sortie du film, je ne savais pas trop quoi penser. Le film dure longtemps et pourtant j’ai eu une impression de superficialité… Le sujet est peut être trop récent, trop brûlant d’actualité pour que l’on comprenne tout les tenants et aboutissants… Si ARGO avait un certain recul des événements datant de trente ans et même avait recours à l’humour. Dans « Zero… », on est dans le premier degré ( à part quelques répliques amusantes) en même temps, on est dans un film hollywoodien, donc forcément partial , « divertissant » et spectaculaire !
Je m’interroge sur le message véhiculé par « Zero… » et sur ses objectifs. J’ai essayé de me documenter sur le film, et je n’arrive pas à déterminer le point de vue la réalisatrice et du scénariste. Ils ont créé des personnages qui s’inspirent de personnes ayant réellement existé, il se sont documentés, et pourtant ils revendique la fiction et le fait que les éléments donnés dans le film ont été modifiés pour protéger les gens responsables de la traque de Ben Laden. Un bien pour un mal : en restant floue sur ses intentions, Bigelow a pourtant la finesse de n’avoir pas fait de son film patriote, à la gloire des Etats-Unis. Son film est loin d’être bourrin, malgré les scènes d’actions testostéronées et il me semble assez impartial en matière de politique américaine.
En conclusion : le nouveau film de Kathryn Bigelow n’est pas une partie de plaisir à regarder, c’est un film plus complexe que ses réalisations habituelles, et on a l’impression de voir plusieurs films en un. Après la vision de ce film, chacun interprétera les intentions de la réalisatrice comme il (ou elle) voudra. La vérité sur ce qui s’est passé étant de toute façon connue uniquement des Navy Seals et des membres de la CIA qui ont participé à l’opération…
Avec Jessica Chastain, Joel Edgerton, Mark Strong, Jason Clarke…
Le pitch (site d’Universal)
« La traque d’Osama ben Laden a préoccupé le monde et deux administrations présidentielles américaines durant plus d’une décennie. Mais au final, on doit sa capture à la résolution et au dévouement d’une petite équipe d’agents de la CIA. Leurs missions ont été exécutées dans le secret, mais certains détails ont depuis été rendus publiques. Les plus importants aspects de l’opération, dont le rôle central joué par cette poignée d’hommes et de femmes, sont portés pour la première fois à l’écran dans le nouveau film du tandem récompensé aux Oscars, Kathryn Bigelow (réalisatrice et productrice) et Mark Boal (scénariste et producteur).
Leur récit du pistage et de l’élimination de ben Laden, à la fois éloquent et fidèle à la réalité, entraîne le spectateur dans les coulisses du pouvoir et au cœur de l’action, détaillant cette mission historique qui se conclura par une opération spéciale d’assaut d’une mystérieuse habitation fortifiée dans une banlieue pakistanaise.
L’attention portée à tout ce qui mènera à ce raid distingue ZERO DARK THIRTY d’autres comptes rendus des mêmes faits. Hasardeuse dès ses balbutiements, la quête pour trouver ben Laden a coûté la vie à plusieurs agents. Certains experts des services secrets en arrivèrent à penser que la mission était vouée à l’échec. Mais sur le terrain, une équipe d’analystes et d’interrogateurs a refusé et démenti ces pronostics. Pour la première fois, leur longue lutte pour localiser et neutraliser Osama ben Laden est racontée en images dans un film complexe et exaltant. »
Bande Annonce 2 (VF):
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