Vous le savez, j’aime les films indiens. Le cinéma du sous-continent est d’une grande richesse ( il n’y a pas que Bollywood dans la vie !), et malheureusement pas tellement montré dans les salles en France… à part dans quelques initiatives provenant d’associations, de musées (comme le Musée Guimet à Paris) ou de festivals. Alors, quand un film du sous-continent est programmé sur les écrans, c’est la fête !
Grâce au Grand Prix du magazine ELLE, j’ai pu découvrir « Dabba », également sélectionné au festival de Cannes ( mais écarté de la course aux Oscars). Assez d’entrées en la matière, voici le plat principal : mon avis sur « The Lunchbox ».
Avis sur« The Lunchbox » (Dabba) de Ritesh Batra.
On commence par le synopsis :
Chaque matin, Ila cuisine et se met en quatre pour préparer des plats variés et savoureux pour le déjeuner de son mari. Elle confie ensuite sa « lunchbox » au gigantesque service de livraison qui dessert toutes les entreprises de Bombay. Chaque soir elle attend de son mari des compliments qui ne viennent jamais. Ce qu’elle ignore, c’est que ses « lunchbox », sont remises accidentellement à Saajan, un homme solitaire, proche de la retraite. Conscient de la méprise, Saajan laisse, un jour, un mot dans la « boîte repas ». Ila lui répond. Débute alors une relation épistolaire où l’excitation de dialoguer avec un inconnu se transforme en une amitié inattendue…
Épices, panier repas, correspondances et festival de « Khan » : une bonne recette ! Lors du débat et à la sortie de la projection du Grand Prix ELLE, j’étais très inspirée par ce film qui m’a beaucoup plu… Je vais rester concise ici. J’ai trouvé au moins cinq bonnes raisons d’aimer ce film. Les voici :
Raison n°1 : quand on aime le cinéma indien, il faut se réjouir qu’un bon film ait avec une date de sortie en France. La mise en scène, la photographie sont très bonnes pour un premier film. C’est le cas pour ce film que vous pourrez voir le 11 décembre 2013, ou un peu avant si vous passez au Festival Extravagant India mercredi 16 octobre ou au Forum des images en novembre. Le jeune Ritesh Batra fait honneur à de grands réalisateurs comme Satyajit Ray,Guru Dutt ou, plus récemment, la réalisatrice Mira Nair (Salaam Bombay.)
Raison n°2 : mon acteur chouchou Irrfan Khan (L’Odyssée de Pi…) joue dedans et il a l’un des rôles principaux. Encore une fois, il est excellent dans ce rôle de veuf bougon. Les deux autres acteurs sont naturels et émouvants. Rien à redire sur leur jeu ; parfois, le jeu des acteurs indiens peut sembler outré, ici, ce n’est vraiment pas le cas, tout est subtil.
Raison n°3 : « The Lunchbox » est une comédie romantique avec des instants plus dramatiques (et moi j’aime ce mélange). En plus de l’amitié et de l’amour, le film nous parle de la condition de la femme, et nous fait parfois réfléchir sur la vie, sur nos déceptions, nos actes manqués, la solitude engendrée par la société moderne, malgré la foule croisée dans les transports en commun. Une phrase me reste en mémoire : « Même mort, on sera debout. Il n’y a de place pour l’humain qu’à la verticale, cela prend moins de place ! » Le personnage interprété par Irrfan Khan a sa propre philosophie, comme la jeune Ila (Nimrat Kaur) ou l’orphelin Shaikh (Nawazuddin Siddiqi).
Raison n°4 : j’ai appris quelque chose sur la société indienne, à savoir l’organisation autour des paniers repas, étudiée par Harvard. Le film est véritablement dépaysant, on dirait presque un documentaire sur la ville de Mumbai (Bombay), avec ses bureaux, ses bus bondés, ses différents quartiers…En effet, Saajan, Ila et Shaikh n’ont pas la même place dans la société indienne. Ila vit à Sandivili, un quartier où habite la classe moyenne de religion hindou, plutôt conservatrice. Saajan Fernandez réside dans le village de Banwar, un quartier plutôt de religion catholique ; le nomade Shaikh réside encore dans un autre secteur… Sans le hasard, ces trois personnes ne se seraient jamais croisés. Malgré ces éléments culturels de la société indienne décrits dans le film, l’histoire reste universelle et accessible au plus grand nombre, puisque les héros de l’histoire sont à la recherche du bonheur.
Raison n°5 : c’est un film « culinaire » et il donne envie de manger des spécialités indiennes ( bhindi masala, panner ke kofte …), et de faire la cuisine. Ce n’est pas nouveau – cette métaphore a été utilisée dans de nombreux romans – mais Ritesh Batra nous montre comment à partir de nourriture, deux êtres se nourrissent spirituellement, partagent et reprennent goût à la vie. Faire la cuisine, c’est nourrir, mais c’est aussi une forme d’amour et de séduction… l’idée de la correspondance par panier repas est géniale, et d’ailleurs il y a aussi une autre forme de communication insolite et drôle dans le film mais chut !
La combinaison de tous ces ingrédients, et de bien d’autres que je ne dévoilerai pas ici pour garder un peu de mystère, font de « The Lunchbox », un film très savoureux. D’ailleurs, le jury de Saint Jean de Luz ne s’y est pas trompé : il a doublement récompensé le film. Le débutant Ritesh Batra a été sacré meilleur réalisateur et Irrfan Khan – par ailleurs, producteur de « Dabba »- meilleur acteur.
Sélection Grand Prix elle cinéma 2013