Pour sa 3e sélection en compétition officielle à Cannes, Bertrand Bonello présentait sa version de « Saint Laurent ». C’est en effet le deuxième film en un an consacré au créateur de mode, après celui de Jalil Lespert, avec Pierre Niney dans le rôle de YSL. Si le premier avait été approuvé par Pierre Bergé , ancien compagnon et bras droit de Saint Laurent, le film de Bonello, lui n’a pas été autorisé.
Ainsi , Pierre Bergé n’autorisa pas la consultation des archives à la production et désapprouve le film … Le Saint Laurent de Bertrand Bonello n’a pas non plus bénéficié du prêt des costumes originaux.
Mais comparer les deux œuvres serait une erreur. Elles ne partent pas avec la même optique, ni dans la même direction.
Le « Saint Laurent » de Bertrand Bonello n’est pas la biographie du couturier, mais plutôt une ré-création de son personnage et de toute une époque.
Bonello a choisi Gaspard Ulliel pour interpréter Yves Saint Laurent.Gaspard Ulliel ne cherche pas à imiter le mimétisme de Pierre Niney, il nous montre sa vision de Saint Laurent.
Le scénario s’étend sur une décennie, avec des flashbacks et un fast forward puisqu’on découvre Yves Saint Laurent sous les traits de l’acteur viscontien Helmut Berger.
Le film ne cherche pas à être exhaustif, réaliste ou fidèle à la vraie vie de YSL.Il s’agit plus d’un film atmosphérique, d’une interprétation … Bonnello s’attache surtout à montrer le mal être de YSL, brillant artiste qui se considère comme un monstre, ou plutôt s’est transformé un monstre et ne peut plus de se dissocier de sa création.
La correspondance avec Andy Warhol est ainsi intéressante dans le film.
Le désir d’être humilié et d’autodestruction du couturier sont aussi clairement exposés. Bertrand Bonnello n’a pas son pareil pour rendre à la fois esthétiques et glauquissimes certaines scènes…
Heureusement il y aura quelques notes plus légères. Je pense à quelques réflexions amusantes de Saint Laurent. Et puis, il y a les bouledogues de Saint Laurent, tous appelés Moujik – quoique, une scène est assez perturbante, et devrait affoler les partisans de la SPA.
Le personnage de Pierre Bergé n’est montré que comme un homme d’affaires, certes amoureux de Saint Laurent. Jérémie Rénier est clairement sous exploité. Léa Seydoux (Loulou de La Falaise ) ne s’en sort pas mieux, même si cela aurait pu être un rôle intéressant à jouer. Je l’ai trouvé assez neutre… Le film se concentre surtout sur sa relation assez sadomasochiste avec Jacques de Bascher, dandy et muse de Karl Lagerfeld. Et qui de mieux que Louis Garrel pour ce personnage ? Personne. Garrel convient parfaitement, il ne rend pas de Bascher sympathique – quoique sa fin fut bien triste.
D’ailleurs aucun des personnages principaux du film ne suscitent notre empathie ou notre pitié… Amira Casar ou Micha Lescot ne s’en sortent pas trop mal dans des rôles un peu ingrats d’assistants de Saint Laurent.
L’apparition de Valéria Bruni Tedeschi en cliente angoissée est assez savoureuse et apporte une jolie respiration au film.
Aymeline Valade en tant que Betty Catroux n’a rien à se reprocher, mais son personnage n’est pas très creusé.
Il y a un côté assez hypnotique dans le film, on se croirait parfois dans un cauchemar, certaines scènes sont de vraies propositions de mises en scène. Dommage que le réalisateur les étire… Pour moi, spectatrice lambda, le film dure trop longtemps : j’aurais bien raccourci certaines scènes. Par exemple, la rencontre dans la boîte de nuit entre de Bascher et Saint Laurent est certes un joli plan mais trop long… Et comme dans un rêve ou un cauchemar, on ne comprend pas tout. Il y a même quelques « délires ».
Nous aurons donc vu la face sombre de Saint Laurent, mais pas les influences de l’artiste, ses premières années, ni ce qui l’a façonné… On voit finalement très peu les créations de Saint Laurent. Un peu plus la vie dans l’atelier et dans les coulisses du défilé… Mais assez peu. Donc à mon avis il faut avoir déjà de bonnes connaissances sur l’oeuvre de Saint Laurent si vous souhaitez comprendre un tant soit peu le film de Bonello.*
En conclusion, le « SAINT LAURENT » de Bertrand Bonello n’est pas du tout un biopic classique, c’est plus une réflexion sur un artiste. Un artiste à qui le succès ne réussit pas sur un plan personnel. On y découvre vraiment la part la plus sombre de l’homme sur fond d ‘images et de musiques plutôt classiques.
Saint Laurent est un film très « l’art pour l’art », ce qui ne plaira pas à tout le monde. Ce n’est pas une oeuvre aimable. Personnellement, j’en garde un souvenir mitigé …
Le film sort le 24 septembre à quelques jours de la Fashion Week.
***
* ou alors avoir vu le Saint Laurent de Jalil Lespert, une biographie filmée plus classique et plus complète.
SAINT LAURENT
Présenté en Compétition au Festival de Cannes 2014.
Un film de Bertrand Bonello avec Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Louis Garrel, Léa Seydoux, Amira Casar, Aymeline Valade et Helmut Berger.
Synopsis :
« 1967 – 1976
La rencontre de l’un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre.
Aucun des deux n’en sortira intact. »
L’annonce vient de tomber: SAINT LAURENT représentera la France aux Oscars 2015 !
Sortie France le 24 septembre 2014
Infos et réservations: www.allocine.com/saintlaurent
LA BANDE-ANNONCE
J’ai enfin vu le film de Jalil Lespert ce week-end. Très bon, très poignant !
Une phrase de Gallienne/Berger me hante : « je n’ai peut-être aucun principe, mais je n’ai qu’une parole. »
Je pense enchaîner avec celui-ci très bientôt !