Avis sur Timbuktu, le grand oublié du festival de Cannes 2014. Ce film, qui se range pourtant parmi les grands films africains de notre époque, est sorti le 10 décembre.
En 2012, la ville de Tombouctou au Mali a été occupée par les mouvements AQMI et Ansar Dine, avant que la ville ne soit reprise par les armées française et malienne dans le cadre de l’opération Serval.
Lorsqu’on voit Abderrahmane Sissako , on est frappés par le calme et l’élégance qui se dégagent de sa personne (On a pu le rencontrer à Paris Cinéma cet été pour l’avant-première du film).
Ce cinéaste a expliqué sur les ondes que le point de départ de son film était le fait qu’un couple, qui ne s’était pas marié devant Dieu, ait été lapidé à mort.
Il pense que pour exprimer la violence, la forme d’un film ne peut pas être spectaculaire. C’est pourquoi il dénonce l’intolérance en évitant des effusions de sang, même si certaines scènes sont très dures et très explicites.
Le réalisateur dit également qu’il a découvert le cinéma avec les westerns. On ressent cette influence, en particulier dans une scène de règlement de comptes entre le héros et un berger,à cause d’une vache prénommée GPS.M.Sissako sait aussi manier l’humour et la dérision notamment quand il dépeint des djihadistes avec leurs faiblesses et leur hypocrisie.Par exemple, le chef des djihadistes fume en cachette, convoite la femme d’un touareg, parle de Zidane alors que le football est interdit… Cette dernière interdiction donne lieu à cette fameuse scène, à la fois drôle et poétique, où des enfants jouent au foot sans ballon (un vrai moment de cinéma).
« Timbuktu » regorge de personnages attachants aussi bien les personnages principaux – un couple touareg paisible et leur fille – que les personnages secondaires, comme la musicienne et chanteuse Fatoumata Diawara et la coquette et exubérante Gracieuse (interprétée par Zabou qui, en réalité, a été la première danseuse noire du Crazy Horse ), ou la marchande de poissons qui refuse de porter des gants pour vendre sa marchandise.
D’ailleurs, pour Abderrahmane Sissako, ce sont les femmes qui résistent le mieux.
Le scénario est très fort.Les images sont magnifiques. Certaines sont inoubliables.
Il y a un contraste surprenant entre la douceur qui règne dans le foyer touareg dans le désert et la dureté de la ville liberticide, sous la contrainte des envahisseurs qui interdisent tout plaisir.La justice islamique est montrée sans concessions. On entrevoit aussi la complexité de la culture africaine, par exemple au travers de ses différentes langues…
Le film d’Abderrahmane Sissako n’a pas pu être tourné sur les lieux, mais il n’a pas été tourné très loin (en Mauritanie notamment).
« Timbuktu » est un film marquant qui nous touche particulièrement car il est bien ancré dans l’actualité.
D’autres fictions, en 2014, ont dénoncé l’intolérance religieuse (entre autres), comme Cristeros ou Jimmy’s hall.
Ces films nous rappellent que la religion n’est pas toujours synonyme de paix, et la valeur de la liberté.
TIMBUKTU (Prix Jean Renoir des lycéens)
Un film d’Abderrahmane Sissako
Avec | Ibrahim Ahmed dit Pino, Toulou Kiki, Abel Jafri, Fatoumata Diawara, Hichem Yacoubi |
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Au cinéma le 10 décembre 2014
Je l’ai vu la semaine dernière et j’ai beaucoup aimé, outre l’histoire j’ai aussi trouvé que la mise en scène était magnifique avec des paysages et des jeux de lumière de toute beauté.
Merci pour ton commentaire ; je viens de lire ton article. Le film t’a visiblement inspirée.
Il semble en effet difficile de rester de marbre devant une telle oeuvre. C’est donc d’autant plus incompréhensible qu’il n’ait pas été récompensé à Cannes. Mais, qui sait, Timbuktu aura peut-être l’honneur de recevoir l’Oscar du meilleur film étranger ?