Que vaut « Dheepan, L’homme qui n’aimait pas la guerre », la Palme d’or 2015 ?
Le film de Jacques Audiard sort le 26 août dans les salles françaises.
Je devais parler de « Dheepan » dans une nouvelle émission de télévision mais finalement je suis restée du côté studio. Ce qui fut un peu frustrant car à mon sens « Dheepan » est un film dont on a envie de discuter. Alors rattrapons-nous sur le blog ! Le film de Jacques Audiard est loin d’être une palme évidente, c’est un mélange de plusieurs genres ( film de banlieue, film d’auto-justice …) et l’épilogue est pour le moins surprenant ! J’attends donc vos commentaires sur « Dheepan ».
A mon sens, « Dheepan » possède de nombreuses qualités. Tout d’abord, l’idée et le point de départ du film sont excellents. Qui par le passé a eu l’idée de parler de la communauté sri-lankaise en France ? Dheepan, ce pourrait être votre collègue, votre voisin, la personne qui travaille dans un restaurant ou votre gardien d’immeuble. Une personne qui a combattu ou connu une guerre civile, parachutée dans un pays qu’elle n’a pas choisi et dont elle ne parle pas la langue, pour survivre. Qui plus est, une personne obligée de mentir pour se sauver, de prendre l’identité d’un autre et de se constituer une fausse famille… Tout cette première partie, inspirée par « Les Lettres Persanes », est extrêmement bien vue, passionnante et d’actualité.
Ensuite, la direction d’acteurs est remarquable. Vincent Rottiers (Renoir, La Marche) est parfaitement à l’aise – et nous rend parfaitement mal à l’aise – dans le rôle du caïd de la cité, Brahim. Marc Zinga ( Qu’Allah Bénisse La France ) est très juste en « grand frère » qui aide Dheepan et sa famille à s’intégrer. Cependant les révélations se trouvent ailleurs, et elles se nomment Kalieaswari Srinivasan (l’interprète de Yalini), et Antonythasan Jesuthasan (Dheepan).
Si Kalieaswari Srinivasan est une jeune comédienne habituée à se produire sur les planches en Inde, Antonythasan Jesuthasan, écrivain réputé dans la communauté tamoule et ancien enfant-soldat chez les Tigres, n’a qu’une expérience réduite du métier d’acteur : il s’est produit dans quelques pièces de théâtre lors de son adolescence et a obtenu un second rôle dans un film indien dont il a écrit le scénario. Et pourtant il est incroyable. Son regard en particulier est particulièrement marquant. Il est parfaitement crédible en Dheepan, cet homme qui a connu la guerre, qui se retrouve à nouveau en situation de conflit et de danger, et qui porte la guerre en lui.
La petite Claudine Vinasithamby qui joue la fausse fille du couple est une jeune actrice intéressante, exprimant à la fois une grande maturité et des réflexions enfantines.
Jacques Audiard et son équipe ont le chic pour trouver d’excellents acteurs. De plus, il faut souligner que les dialogues de Dheepan, son « épouse » et « leur fille » sont principalement en tamoul. Je suis toujours admirative des réalisateurs, acteurs, qui tournent dans une langue qui n’est pas la leur.
La seconde partie du film rappelle « Un Prophète » ou encore « la Haine ». Ces scènes ont été tournées à la Coudraie à Poissy, et nous dépeignent une banlieue chaude, entre barres d’immeuble et trafic de drogue. Un cocktail explosif qui va raviver chez Dheepan de vieilles habitudes. On entre alors dans un vigilante movie, c’est à dire un film d’auto-justice… si ces scènes sont spectaculaires, et que l’angoisse monte peu à peu jusqu’à une violence, ce n’est pas ma partie préférée. J’ai trouvé qu’il y avait des baisses de rythme, peut-être pour mieux offrir un contraste lors du climax ultra violent. L’épilogue lui, plutôt sentimental, fera couler beaucoup d’encre. Je pense qu’on peut l’interpréter de plusieurs façons, en fonction de sa sensibilité. Je fais partie de ceux qui ont apprécié ce final.
Au niveau technique, Audiard a en partie renouvelé son équipe et le résultat est très bon, que ce soit au niveau de la photographie ou de la musique.
Ce film entre cinéma d’auteur et cinéma de genre ne laissera personne indifférent, et est accessible au plus grand nombre de cinéphiles. Attention, « Dheepan » présente des moments de violence et un peu de nudité, ce n’est pas pour les petits enfants, mais vous vous en doutiez ! En tout cas, ne serait-ce que pour son sujet, je vous recommande fortement de voir « Dheepan ». Rendez-vous aux César, Monsieur Audiard ?
DHEEPAN
Date de sortie : 26 août 2015
(1h54min)
Réalisé par Jacques Audiard
Avec Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby…