Éloignez les enfants ! Le film qui sera chroniqué dans les lignes qui suivent est interdit aux moins de 12 ans… Il s’agit de « High-rise » de Ben Wheatley (Kill List, Touristes, sorti en France le 6 avril dernier. Voici mon avis sur cette dystopie confinée, une adaptation du roman éponyme de JC Ballard…
Synopsis de HIGH RISE
1975. Le Dr Robert Laing, en quête d’anonymat, emménage près de Londres dans un nouvel appartement d’une tour à peine achevée; mais il va vite découvrir que ses voisins, obsédés par une étrange rivalité, n’ont pas l’intention de le laisser en paix… Bientôt, il se prend à leur jeu. Et alors qu’il se démène pour faire respecter sa position sociale; ses bonnes manières et sa santé mentale commencent à se détériorer en même temps que l’immeuble : les éclairages et l’ascenseur ne fonctionnent plus mais la fête continue ! L’alcool est devenu la première monnaie d’échange et le sexe la panacée. Ce n’est que bien plus tard que le Dr Laing, assis sur son balcon en train de faire rôtir le chien de l’architecte du 40ème étage, se sent enfin chez lui…
(via Allociné)
AVIS : HIGH RISE : architecture brutale et confinement
Une adaptation pas révolutionnaire d’un roman choquant
Cette dystopie est une adaptation du roman éponyme de J.G. Ballard.
Ballard est entre autres l’auteur de « Crash » , mais aussi de « l’Empire du soleil » tous deux été adaptés à l’écran … « High rise » publié en 1975 fait partir de la trilogie du béton qui inclue « Crash ». « High Rise » ou (IGH en français) est un roman marquant incluant folie, lutte des classes, décadence, beaucoup de sexe et de violence – voire du sexe violent – perversité, inceste, cannibalisme – le fait de rester enfermé dans l’IGH levant les inhibitions et finissant par faire retomber les habitants à l’ère de Cromagnon.
L’action se passe dans les années 70, dans un immeuble à l’architecture brutaliste. Architecture brutaliste, oui, le terme prend tout son sens dans cette histoire, puisque les bonnes manières des habitants et leur santé mentale se dégradent brutalement, en même temps que l’immeuble !
On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un récit d’anticipation. D’ailleurs le réalisateur a déclaré à propos du texte de « High Rise’ qu’il avait l’impression de lire les journaux actuels au lieu de lire un roman ! Allons, allons … Certes, les faits divers sont horribles tout comme les événements dépeints dans le roman, mais le texte de Ballard n’a rien de prophétique, et heureusement d’ailleurs ! S’il s’agit d’un miroir de notre société, il est bien déformé.
Nous sommes dans une ambiance rétro-futuriste, ou un monde parallèle si vous préférez. Mais peu importe que cela se passe de nos jours ou en 70, ce n’est pas le propos.
Ben Wheatley et son épouse Amy Jump auraient repris les principales idées du roman et ont ajouté les leurs, quitte à être infidèles à la trame du roman et a changé une partie de sa structure… Ainsi, Wheatley a supprimé des personnages importants comme la sœur du docteur – dans le film elle est récemment décédée. Laing se retrouve donc seul et « déprimé » alors que dans le roman, il s’installait dans l’immeuble suite à une rupture sentimentale.
Le réalisateur et sa scénariste ont donc édulcoré certains propos, et surtout, y ont injecté quelques doses d’humour (humour salutaire en ce qui me concerne.) Certaines répliques ou situations sont tellement déconnectées ou folles qu’elles ne peuvent que faire sourire !
Maintenant, la mise en images du roman regorge de scènes visuellement chic et choc. Comme cette défenestration filmée au ralenti. Une trépanation. Des scènes d’orgies.Un meurtre collectif vu au kaléidoscope etc. Le tout est accompagné de musique planantes ou énervantes, souvent avec des filtres jaune ou bleu. Wheatley semblent parfois filmer plusieurs clips musicaux…
Au milieu de tout ce remue ménages et non remue-méninges, il y a les acteurs.
Le casting a été bien choisi : Jeremy Irons, Tom Hiddlestone, Sienna Miller, Luke Evans, Elisabeth Moss sont des « bad neighbors » plus que parfaits.
Délire ou art symbolique ? Un film qui fait réfléchir…
Les choses s’enveniment lentement dans l’IGH, passant d’un paradis d’architecture à un chaos total. Les plus pauvres sont relégués dans les étages inférieurs – pas si pauvres que cela car ils ont été choisis pour emménager ici. La plupart des habitants des bas étages sont de classe moyenne.
L’architecte démiurge et les classes sociales les plus élevées logent dans les étages les plus hauts.
Point culminant : un jardin d’Eden avec des fleurs et un cheval blanc.
Le film lance quelques réflexions des personnages … Cela donne des clés d’interprétation. Par exemple lbuilding étant un corps, et une pépinière de changement pur Jeremy Irons ( bon choix, Irons est toujours aussi classe, il aurait aussi pu jouer Laing, il y a quelques années… )
- Sur le confinement qui rend fou et fait remonter les mauvais instincts de chacun. Sur la déchéance. Il faut noter que, dans sa jeunesse, le britannique Ballard et sa famille ont été internés en Chine dans un camp nippon pendant la Seconde Guerre mondiale, ce n’est pas anodin pour le roman…
- Sur l’égoïsme et le capitalisme. Il suffit de voir les scènes dans le supermarché, ou encore la toute fin, où le mots capitalisme et capitalisme d’Etat sont répétés comme un leitmotiv.
- Sur la société de l’image
Dans les bonus du DVD, Wheatley ajoute que les scènes tournées en Super 8 par les habitants sont comme les images produites sur les réseaux sociaux.
L’un des personnages finit d’ailleurs la tête encastrée dans un écran TV, puni par là où il a péché. Le film nous parle aussi de l’inconscient, du « ça », des phénomènes de masse, de la nostalgie du paradis perdu…
- Sur les conflits de classes.
Ici les classes inférieures veulent avoir accès aux même services que les riches, c’est-à-dire avoir accès à la piscine et monter en haut de la tour !
En filigrane, le film parle des relations hommes/femmes.
Les femmes, parfois échangées contre de la nourriture, violées, tabassées, tripotées… Bref, les femmes prennent cher dans le film mais finalement s’en sortiront peut-être mieux que la plupart des personnages masculins. Tout comme Laing ou Toby, un jeune garçon, qui observent et ne prennent finalement parti pour aucun groupe.
Cependant, il ne s’agit que de pistes et chaque spectateur pourra interpréter les actes des personnages comme bon lui semble, et chaque scène ou presque recèle des métaphores.
En attendant, il n’est pas certain que le réalisateur ait pensé à toutes les possibilités d’interprétation.
High Rise , un film avec des problèmes de construction ?
Par contre, pour un film qui a finalement pour personnage principal un immeuble, on note des problèmes de structure, de construction du récit…
Tout d’abord, qu’est-ce que le film est lent à démarrer, après la scène choc du début ! Le spectateur sait dès le début que ça va mal finir, cela se voit dans la bande annonce, dès les premières images ou dans le synopsis. Donc on repassera pour l’effet de surprise.
On se demande quand même si Ben Wheatley n’est pas comme le journaliste du film, Wilder . Les deux hommes filment, tentent d’imposer sa vision des choses, parfois brutalement, mais finalement se trouve happés par le délire ambiant. Et du coup, le résultat est moins percutant et dérangeant que prévu.
Toutefois, Ben Wheatley fait preuve de choix visuels intéressants (ou frime ?). Il instille un brin de dérision et de ridicule dans « High Rise ».
Malgré tout, le roman était certainement plus choquant que le film et plus novateur. On se demande ce que cela aurait donné si Kubrick avait réalisé le film, parce que l’on approche pas du choc et malaise rencontrés dans « Orange Mécanique« .
On ne peut peut-être rapprocher le film du Transperceneige, néanmoins Bong joon Hoo avait construit un univers à partir de la bande dessinée, et surtout le film étaient extrêmement bien construit : on suivait la progression des héros désespérés dans le train… Bref, c’étaient plus marquant. Dans « High Rise », que ce soit dans le roman ou dans le film, les résidents se coupent volontairement du monde extérieur. Quand les choses dégénèrent, ils ne sortent pas chercher de l’aide, finalement bien heureux de rester dans leur prison (mentale) aux murs de béton.
En sortant du visionnage du film qui reste très pessimiste, on a envie de sortir marcher à l’air libre. Une autre chose est certaine : après avoir vu « High Rise », vous ne vous plaindrez plus jamais de vos voisins !
LE DVD HIGH RISE
J’ai testé le DVD et je dois dire que pour ce film c’était une bonne chose de faire une pause – soit parce que le film m’ennuyait ( !!) soit parce que je ressentais le besoin de faire une pause pour « digérer » ce que je venais de voir.
Les bonus comprennent le film annonce, mais surtout deux compléments intéressants.
Le premier nous parle du travail d’adaptation et nous propose quelques entretiens avec l’équipe du film. Le second concerne l’œuvre de J.G Ballard. Le critique et historien de cinéma, Laurent Aknin est passionné et passionnant dans sa présentation des écrit de Ballard.
Fiche Film HIGH RISE
de Ben Wheatley
Scénario : Amy Jump
Acteurs : Tom Hiddleston, Jeremy Irons, Sienna Miller
Éditeur : M6 Vidéo
Durée : 1h59
Date de sortie cinéma : 6 avril 2016
Date de sortie DVD/BR : 24 août 2016
Je l’ai raté au cinéma, je vais essayer de me rattraper avec le DVD !