Vous n’êtes pas sans savoir qu’Olivier Minne est animateur de télévision, journaliste et comédien. Mais Olivier Minne est aussi biographe. Sa biographie de l’acteur Louis Jourdan (1921-2015) est attachante, bien documentée et étonnante. Un « must-read » et une vraie lecture cinéphile.
Je vous dis pourquoi ci-dessous.
Dès les premières pages on se doute que Louis Jourdan – Le dernier French lover d’Hollywood n’est pas une biographie « ordinaire » ou « classique ».
Olivier Minne s’est totalement impliqué dans le projet d’interviewer Louis Jourdan, et de dresser le portrait de l’acteur à travers un documentaire et un livre – il y a d’ailleurs consacré cinq ans de sa vie.
Le résultat est un « récit de vie » très vivant, très plaisant à lire et bourré d’anecdotes.
Olivier Minne retranscrit ses entretiens avec Louis Jourdan. Ce voyage dans le passé nous informe sur la machinerie des studios hollywoodiens. On découvre aussi la façon dont Olivier Minne a tissé des liens d’amitié avec Louis Jourdan et sa femme Berthe surnommée « Quique » . Il faut dire qu’Olivier Minne, passionné de théâtre et de cinéma, est aussi acteur, et cela a certainement joué en sa faveur même si Louis Jourdan était franchement réticent à l’idée qu’un documentaire et un livre lui soient consacrés.
J’ai appris de nombreuses choses, et retenu que « Loulou » avait son franc parler et que c’était quelqu’un d’exigeant envers les autres et envers lui-même. Les films qu’il a tournés, il les qualifie d’idiots, tout comme James Dean qu’il détestait. Je dois avouer que je ne connaissais pas bien la carrière de Jourdan, mis à part « Gigi », « Octopussy » et ‘Lettre d’une inconnue » … J’ai donc apprécié de découvrir les rôles incarnés par le dernier French Lover d’Hollywood et connaître l’envers du décor.
Ce qui est touchant dans le livre, c’est la relation forte et confiante établie entre Olivier Minne et Louis Jourdan. L’acteur qui avait côtoyé tant d’artistes pendant de nombreuses années, qui avait fait rêver tant de spectateurs, s’était en quelques sorte isolé à la fin de sa vie aux États-Unis, avec sa femme, son grand amour. Il n’y avait guère que l’actrice Joanna Shimkus (Madame Sidney Poitier) qui arrivait à lui rendre visite régulièrement.
On est réellement ému lorsque l’on apprend la mort de « Quique » et de « Loulou », à plus de quatre vingt dix ans.
C’est qu’on a l’impression d’avoir partagé comme Olivier Minne l’intimité du couple.
Louis Jourdan – Le dernier French lover d’Hollywood est donc une biographie plus que complète sur l’acteur et sur l’homme que fut Louis Jourdan. Cette biographie est aussi l’occasion pour Olivier Minne de retracer l’âge d’or des studios hollywoodiens puis leur déclin…
Le style est agréable, et le livre est agrémenté de photographies et coupures de presse ayant été la plupart du temps fournis par la famille Jourdan.
Je vous recommande fortement cette lecture instructive. Prévoyez d’avoir un peu de temps devant vous, la biographie de 576 pages contient également plusieurs annexes comme des repères biographiques (et les apparitions de Jourdan à la télévision, au cinéma et au théâtre.)
Pour conclure cet avis , je vous propose quelques citations extraites du livre.
« Je comprendrai au fil du temps le ressentiment qu’ a toujours nourri Louis Jourdan au sujet de son identité de French lover d’Hollywood. Pourquoi juge – t -il ce rôle comparable à une condamnation à perpétuité ? D’abord parce qu’il a échoué dans ce qu’il s’était juré de réussir : détruire ce cliché et s’en libérer au point de le faire oublier. Il n’y arrivera jamais complètement, même si, vers la fin de sa carrière, la mentalité des studios changea et que le profil du Français entra dans la catégorie des méchants, laissant le rôle de séducteur au Latin lover. V
Vaines tentatives de sa part pour tenter d’effacer ce qu’il avait fini par sublimer : il sera à jamais pour le monde entier le dernier French lover d’Hollywood. « (pp.184-185)
« Une heure sans rien se dire. Étonnante relation que la nôtre. L’intervieweur qui ne pose pas de question. Vous devez penser que j’ai ainsi perdu beaucoup de temps. Il n’en a rien été. Je continuais à apprivoiser la bête sauvage qu’il était. Comme un dresseur dans la cage aux lions reste auprès d’eux parfois juste pour les habituer à sa présence. Je sais aussi que m’avoir près de lui l’incite à faire marcher davantage sa mémoire. Elle n’était pas mauvaise quand nous nous sommes rencontrés. Mais nous sommes trois ans plus tard. » (p.513).
« – Je regrette que ma voix soit si abîmée aujourd’hui. Ma mère et mon père chantait tout le temps. On n’arrêtait pas de chanter à la maison. Je finis avec la Canebière. C’est chez moi ça !
Son accent marseillais revient d’un coup. il nous fait rire en interprétant chaque parole de la chanson. » (p.549)
« Au milieu de cette après-midi chaude et ensoleillée d’un « hiver californien » qui n’existe pas, je disais au revoir à un homme dont j’avais tenté depuis plus de cinq ans de définir les contours, d’éviter les obstacles qu’il plaçait sur mon chemin de vérité pour forger sa légende.
Cet homme, j’ai fini par l’appeler Loulou comme le faisait seulement les membres de sa famille et ses amis les plus proches. Louis n’a sans doute pas été le plus grand acteur de tous les temps – lui-même en convenait avec dureté- .« (pp. 575-576).
Louis Jourdan
Le dernier French lover d’Hollywood
Par Olivier Minne
Paru aux Editions Séguier.
Prix: 22.90 €
Format: 15 x 21 cm – 608 pages
Parution : 16/02/2017
Une lecture passionnante !