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[Dossier] Les Mille et une vies de La Belle et la Bête

« La Belle et la Bête », roman précieux écrit au XVIIIe siècle par Suzanne de Villeneuve, a fait le tour du monde. On ne compte plus les adaptations littéraires, théâtrales, musicales, télévisées inspirées par cette histoire d’amour… Comme Shéhérazade et ses contes des Mille et une nuits, le cinéma a pris plaisir à raconter encore et encore, sous de multiples variations, l’histoire de la Belle et la Bête.

Cet article a été rédigé pour We Love Cinéma et mis à jour en 2019.

Cette histoire, on la connaît tous un peu. Un prince charmant victime d’un sort et rendu à l’état de “bête” à l’aspect repoussant, une belle jeune femme qui accepte d’être retenue prisonnière à la place de son père dans le château du prince. L’un et l’autre vont dépasser leurs appréhensions pour découvrir le véritable amour. Grâce à cet amour, ils se sauveront mutuellement.

Au départ donc, c’était une histoire de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, parue en 1740 dans un recueil de nouvelles intitulé La Jeune Américaine et les contes marins. Madame de Villeneuve aurait eu vent par une femme de chambre d’un conte de Straparola datant du XVIe siècle. Une autre romancière, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, reprend son histoire en l’abrégeant dans son Magasin des enfants en 1756, et connaît le succès…
Ce conte à valeur hautement symbolique continuera par la suite à être détourné et remanié, même si l’histoire d’amour reste globalement la même. On compte bon nombre d’adaptations sur grand écran. Cet article se concentrera sur les quelques versions qui ont connu un franc succès.

© SND

La première adaptation au cinéma date de 1899, autant dire l’aube du cinéma. On sait peu de choses de cette version des frères Pathé. À part qu’il s’agit de l’une des premières histoires contées par le septième art, quelques années à peine après « L’Arroseur arrosé » et les premiers Méliès ! S’ensuivent de nombreux courts pendant une vingtaine d’années.

Mais c’est en 1946 que « La Belle et la Bête » entre véritablement dans l’histoire du cinéma : la nouvelle de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont devient alors un long-métrage de Jean Cocteau. Jean Marais est l’interprète d’un triple rôle : celui de  la Bête, du  Prince Charmant, mais aussi celui d’Avenant, personnage inventé par Cocteau, un prétendant qui est l’opposé de Belle : superficiel, prétentieux, violent… Josette Day interprète Belle, héroïne affublée d’une méchante fratrie à la Cendrillon qui ira jusqu’à s’allier avec le vil Avenant… Cocteau crée un chef d’œuvre de poésie et mêle son propre univers à celui des contes de fées, s’inspirant librement de l’histoire de Madame Leprince de Beaumont, mais aussi de Charles Perrault et d’autres auteurs comme les frères Grimm… Si l’esthétique du film est superbe (on peut y voir du Vermeer pour les scènes paysannes, et du Gustave Doré), certains spectateurs trouveront que le film a un peu vieilli et que le jeu d’acteur est suranné… Le critique de cinéma ne se lassera pas des symboles contenus dans le film. Au final,  Cocteau joue avec les apparences et expérimente de nombreux trucages. Enfin, le réalisateur nous livre une fable sur la beauté et la monstruosité, deux thèmes qui l’obsèdent. Restauré pour le Festival de Cannes en 2013, le film est ressorti l’hiver suivant, en parallèle d’une exposition à la Cinémathèque consacrée à Jean Cocteau.

Il faudra attendre les années 60 pour que la machine de Hollywood s’empare totalement du thème de « La Belle et la Bête », avec une grosse production sortie en 1962 et réalisée par Edward L. Cahn, avec Joyce Taylor et Mark Damon. Vingt-cinq ans plus tard, Rebecca De Mornay et John Savage apparaîtront dans une nouvelle version réalisée par Eugene Marner. Enfin, il convient de citer « Sortilège » avec les stars adolescentes Vanessa Hudgens et Alex Pettyfer : une variation contemporaine et new-yorkaise de Daniel Barnz (2011), adaptée du roman éponyme d’Alex Flinn… tirant lui-même son inspiration du conte de la Belle et la Bête.

L’Amérique n’est pas la seule à s’intéresser à cette histoire : dans les pays de l’Est, on l’apprécie également. Ainsi, « Panna a netvor » (« La Belle et la Bête ») voit le jour en 1978 en Tchécoslovaquie. Son réalisateur Juraj Herz aurait souhaité une version plus sombre de l’histoire. En URSS, le film d’animation « La Fleur écarlate » (Alenkiy Tsvetochek, 1952) est une adaptation du conte de Sergueï Aksakov, qui s’inspire lui-même du thème de la Belle et La Bête. Une œuvre qui sera à nouveau portée au cinéma en 1977 par Irina Povolotskaia.

les Mille et une vies de la Belle et la Bête

©Walt Disney Pictures France

À des années-lumière des préoccupations de Jean Cocteau, les studios Disney, grands consommateurs de contes de fées, reprendront aussi la légende de « La Belle et la Bête ». Le film d’animation est présenté hors compétition au Festival de Cannes 1992.

Comme Jean Cocteau, les studios Disney s’éloignent du conte originel. En revanche, on peut se demander si les scénaristes n’ont pas été influencés par le réalisateur français. Ainsi, le personnage de Gaston, crâneur bête et méchant, rappelle fortement l’Avenant de la version de Cocteau. En outre, les objets du château sont animés, autre clin d’œil à Cocteau. Le studio américain va encore plus loin, car certains deviennent des protagonistes à part entière dans l’histoire. Selon Disney, le personnel du château a été touché par la malédiction de leur maître. Les bras humains servant de chandelier deviennent ainsi dans la version Disney le maître d’hôtel Lumière, un chandelier séducteur chantant comme Maurice Chevalier. Big Ben le majordome est transformé en horloge et son caractère l’oppose totalement à Lumière… Madame Samovar, cuisinière devenue théière, est aussi un personnage-clé de toute l’histoire de la Belle et la Bête, avec sa chanson « Histoire Éternelle ».

La scène de danse entre Belle et la Bête sur cet air musical a marqué les esprits de plusieurs générations de bambins (le film est visible à partir de 3 ans). Quant à la séquence chantée par Lumière (“C’est la fête !”), où les ustensiles et mobiliers du château montent un spectacle pour le dîner de la Belle, c’est un véritable morceau de bravoure, notamment lorsque les cuillères exécutent un ballet digne d’Esther Williams. Il faut noter que les studios commençaient à tourner avec des effets spéciaux et le résultat est vraiment réussi lors de ces passages musicaux. Alan Menken et Howard Ashman recevront l’Oscar de la Meilleure Chanson en 1992, le film se voyant également récompensé de l’Oscar de la Meilleure Musique cette année-là.

Fort  de ce succès, les studios Disney réalisèrent une suite : « La Belle et la Bête 2 : Le Noël enchanté », sorti directement en vidéo en 1997. Ce film sera suivi en 1998 du « Monde magique de la Belle et la Bête ». Mais aucun n’égalera le triomphe du premier épisode, qui, vingt ans plus tard ressortait en 3D !

Il n’est donc pas étonnant qu’un spectacle musical s’inspirant du dessin animé Disney ait vu le jour. Ce « musical » triomphe à Broadway depuis vingt ans et a rencontré un joli succès dans le monde entier. Le show est visible au théâtre Mogador depuis le mois d’octobre 2013… et ne désemplit pas. Dans un genre un peu différent, le compositeur Philip Glass a créé en 1994 un opéra-film intitulé « La Belle et la Bête » en s’inspirant des œuvres de Cocteau.

Mise à jour :

© Walt Disney Pictures France

Disney s’est ensuite lancé dans une version live action avec Emma Watson dans le rôle de Belle… Vous pourrez retrouver mon avis ici .

La légende de “La Belle et la Bête”a  été adaptée par Christophe Gans en 2014… avec Léa Seydoux dans le rôle de la Belle et Vincent Cassel dans le rôle de la Bête.
André Dussollier, lui, joue le père de Belle. Ce film de Christophe Gans (« Le Pacte des Loups ») paraît tout désigné pour la Saint Valentin.
Le synopsis est assez fidèle au conte originel : on nous date clairement l’histoire au XIXe siècle, en l’an de grâce 1810, chose que Cocteau ou Disney ne faisaient pas vraiment. Jean Cocteau se contentait d’un “Il était une fois” et Disney nous présente un village en Europe, mais bien malin celui qui pourrait donner une année précise.

© COURAMIAUD – Laurent LUFROY – Photo de Sébastian SIEBEL – CREDITS NON CONTRACTUELS

Cette version 2014 a-t-elle la poésie visuelle du film de Jean Cocteau ? Dépoussiére-t-elle l’histoire ?Est-elle une belle illustration du conte originel ? Toujours est-il que,soixante ans après Cocteau, Christophe Gans s’est attaqué à un puissant symbole !

Après cette nouvelle adaptation française, Guillermo del Toro, réalisateur fasciné par la monstres en tous genres et doté d’une esthétique particulière, nous a livré son interprétation de  « La Belle et la Bête » avec The Shape of Water/ La Forme de l’eau… Et bien lui en a pris car il a remporté l’Oscar du meilleur film.
Son acteur fétiche Ron Perlman n’est pas, cette fois, de la partie… Perlman avait déjà joué le rôle de la Bête aux côtés de Linda Hamilton dans une série télévisée de 1987 à 1990.

Une chose est certaine : l’histoire de la Belle et la Bête est bien éternelle, car universelle et intemporelle. Les interprétations autour de cette légende devraient continuer à passionner réalisateurs et spectateurs pendant encore plusieurs siècles !

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