Le programme d’animation « Les petits singuliers » des Films du Préau sort au cinéma le 7 février 2024.
Cette sélection de 4 courts métrages prône l’acceptation des différences et l’empathie… Un bien beau programme accessible à partir de 6 ans (âge recommandé). Voici ce que j’en ai pensé.
1. Laika & Nemo
Film d’animation de Jan Gadermann
15 minutes • Allemagne • stop motion / marionnettes
Nemo est différent. Il habite dans le phare d’une ville de bord de mer et est le seul à porter un scaphandre. Un jour, il rencontre Laïka, une astronaute qui lui ressemble…
in DP
Laika & Nemo © Filmuniversität Babelsberg KONRAD WOLF 2022
On se moque de Némo , gardien de phare en raison de sa tenue. Or son rêve depuis l’enfance c’est d’être astronaute.
Ce film muet est très bien réalisé : les lumières, la brume, l’eau… La stop motion (technique d’animation qui donne vie à des objets immobiles image par image) est digne d’un film des studios Laika (Kubo, Les Boxtrolls) ou Aardman ( Wallace & Gromit, Shaun Le Mouton...)
Laika & Nemo est mon film préféré de cette sélection de 4 courts métrages. Ce film laisse une impression durable , et représente bien la valeur de l’amitié… Laika et Nemo vont se reconnaitre, guérir leurs blessures de jeunesse et , littéralement, se sauver l’un l’autre.
2. Le garçon et l’éléphant
de Sonia Gerbeaud
7 minutes • France • animation 2D (TVpaint) et dessins sur papier
Dans une classe, l’arrivée d’un nouveau à tête d’éléphant déclenche moqueries et sarcasmes. Pourtant, un des élèves
in DP
semble captivé et troublé par ce nouveau camarade.
Le dessin au crayon de papier gris évoque l’ enfance mais aussi l’ennui. L’action se situe d’ailleurs dans une salle de classe, au lieu de chuchotements d’enfants… Entre alors un nouvel élève à la tête singulièrement remplacée par celle d’un éléphant bleu, un contraste saisissant qui ne peut que retenir l’attention. L’amour pour la nuance de gris du dessin est palpable, conférant à la scène une atmosphère presque intemporelle. Un élève, un jeune garçon, pris dans une transformation inattendue, devient rouge – est-ce de la gêne, de l’exaspération, ou le rougissement d’une émotion inavouée ? Finalement, c’est de l’attirance pour « Elephant boy » (tératophilie ?). Les deux personnage hauts en couleur dans tous les sens du termes vont sortir du cadre ( et de la réalité) et arriver sur une page blanche, où tout est possible… Mais le retour à la réalité sera bien difficile, surtout pour le garçon éléphant.
La colorimétrie est choisie avec soin, car elle joue un rôle crucial dans la distinction entre les deux personnages, le bleu et le rouge s’apposent au gris ambiant. Un parti pris intéressant, qui souligne non seulement leur différence de statut et de forme mais aussi la synergie « émotionnelle » qui les unit malgré leurs dissemblances physique.
L’empathie, le désir, l’amour, l’amitié, la compassion, voilà autant de sentiments dépeints dans le films. Des émotions qui transcendent les différences physiques ou sociales.
Le garçon et l’éléphant , c’est une histoire de reconnaissance mutuelle, d’acceptation de l’autre et de soi dans son unicité… quitte à sortir du rang et des normes… Et hélas, la fin est pessimiste. On comprend le blues final de l’éléphant bleu… L’histoire la plus triste des quatre courts.
3. A la bonne place !
(The perfect fit)
de Meinardas Valkevičius
11 minutes • Lituanie • Animation 2D
Patrick vit dans un foyer. Il espère qu’un jour une famille le prendra sous son aile. Un à un, les autres enfants finissent par être adoptés par des gens qui leur ressemblent, sauf lui.
in DP
Alors Patrick attend et rêve de prendre son envol…
A la bonne place ! © Meinart 2021
Ce film d’animation lituanien peint un tableau rappelant les œuvres de Hayao Miyazaki , en particulier dans la stylisation de ses personnages. Le héros, Patrick, un petit garçon de cinq ans perçoit le monde qui l’entoure très différemment de ses pairs. A ses yeux, les humains se transforment en animaux. Lui -même ressent une connexion avec un perroquet qu’il a aperçu au zoo. Ce n’est pas seulement une admiration de loin; Patrick rêve de se transformer lui-même en perroquet, pour s’envoler loin de sa pension.
Le film dépeint habilement le contraste frappant entre l’imagination vive de Patrick et la morosité de son quotidien. L’ostracisation qu’il subit est palpable. Patrick fait l’objet de moqueries de la part des autres enfants, en particulier d’un, et les adultes du foyer d’accueil ne lui offrent pas de réconfort. Ce conte poignant ne romt le silence qu’avec un seul mot « Hello ». Le dernier Hello du film est particulièrement touchant.
Le film démontre la puissance des images pour transmettre des messages et des émotions sans l’appui de la parole. La fin est heureuse, suivant l’adage « Qui se ressemble s’assemble »… Le générique de fin offre des nouvelles de Patrick …
4. Au bonheur de Paolo
Au bonheur de Paolo (Paolo’s Happiness)
de Thorsten Droessler et Manuel Schroeder
14 minutes • Allemagne, République tchèque, Suisse
Stop-motion / marionnettes
Paolo est heureux – parce qu’il peut pleurer et de ses larmes naissent de magnifiques fleurs.
in DP
Lorsque les habitants de la ville découvrent cet étrange pouvoir, Ils veulent cueillir le bonheur de Paolo…
Dans ce film d’animation en stop motion, les larmes de Paolo ne sont pas de simples gouttes d’eau salée ; elles se transforment en fleurs rouges exhalant un parfum exquis. Ce don particulier fait de Paolo un objet d’envie parmi ses pairs… Le film est très poétique, mais il nous fait également réfléchir. Paolo qui aime tant sa solitude, pleure pour faire plaisir et engendrer de belles fleurs. Au début, cela lui vaut de la reconnaissance et apporte de la joie autour de lui… Puis la demande devient plus pressante… Les fleurs, c’est éphémère, alors il faut avoir Paolo « sous la main »… Que ce soit pour calmer les pleurs d’un bébé, planter des fleurs dans un pot, rendre la vie plus jolie… Croulant sous cette lourde responsabilité, le candide Paolo érigé en roi, mais n’ayant avantage, pourra- t- il trouver son propre bonheur ?Les habitants ne devraient pas construire leur propre bonheur, en toute indépendance ?
L’histoire paraît fantaisiste mais les émotions suscitées par les images sont très profondes. La fin du film est aussi surprenante qu’évocatrice. La conclusion invite le public à réfléchir sur la chance et la douleur d’être unique, et sur les surprises de la vie. « Au bonheur de Paolo » est peut- être le film le plus difficile à comprendre pour les jeunes spectateurs . Ou pas, car ils comprendront très bien la beauté du don de Paolo.