Adapté d’un roman graphique de Posy Simmonds, « Gemma Bovery« est le nouveau film d’Anne Fontaine avec Gemma Arterton et Fabrice Luchini. Le film a été présenté au festival de Toronto ( le TIFF) récemment. Il sera visible en salles le 10 septembre 2014. On va le voir – ou pas ?
AVIS
L’histoire du roman graphique – et du film- est la suivante : Joubert, un ex-bobo parisien, passionné par Flaubert, et reconverti en boulanger dans un village normand, voit s’installer un couple d’anglais, Gemma et Charles Bovery… Gemma, comme l’héroïne de roman Emma Bovary, va tromper son ennui en trompant son mari. Ceci ne laissera pas indifférent notre boulanger…
Ne faisons pas de mystère, j’ai beaucoup aimé« Gemma Bovery » d’Anne Fontaine.
C’est à la fois un joli portrait de femme et une réflexion douce, amère et acide sur la société. Cerise sur le gâteau, c’est une adaptation réussie du roman graphique de Posy Simmonds, elle-même s’inspirant de l’œuvre de Gustave Flaubert ! Ceux qui souhaitent lire mon compte-rendu de lecture le trouveront ici.
Il me semble que la réalisatrice Anne Fontaine (« Coco Avant Chanel », « Perfect Mothers« …) en a fait une adaptation très fidèle – mis à part quelques omissions, développements différents et surtout une fin légèrement modifiée pour introduire un élément à la fois comique et ironique.
Le casting est très bien choisi.
Je redoutais un peu que Fabrice Luchini refasse son numéro d’amateur de littérature amoureux d’une femme plus jeune que lui (cf. Alceste à bicyclette). Mais ici, il est à la fois drôle, pathétique et inquiétant… Quand il ouvre grands ses yeux et tire une tronche pas possible, on rit ! A la fin, cependant, on continue à rire tout en prenant conscience que ce quinquagénaire est irrécupérable…
Dans le rôle de Gemma, une Gemma ! Gemma Arterton ! La belle Anglaise semble avoir un lien particulier avec ce film pour deux raisons. D’abord parce qu’elle partage son prénom avec l’héroïne. Mais aussi parce qu’elle joue le rôle principal d’une adaptation de Simmonds pour la seconde fois ; elle était en effet « Tamara Drewe » dans le film éponyme de Stephen Frears… (D’ailleurs, certains thèmes sont identiques dans ces deux œuvres : comment le personnage se transforme en bombe sexuelle, comment son arrivée va bouleverser le quotidien d’une petite bourgade… ). Elle ne ressemble pas à la Gemma du roman graphique (plus proche de Lady Di), mais elle est aussi pulpeuse et totalement crédible… Elle fera craquer plus d’un spectateur.
Jason Flemyng est très bien, très sympathique dans le rôle de son mari Charles Bovery ; Elsa Zylberstein est excellente et très drôle dans le rôle de Mrs Rankin, Française mariée à un anglais complément énervante de suffisance… une légère trahison du roman graphique, mais quelle trouvaille ! On est aussi amusés par Edith Scob, bourgeoise coincée qui terrifie son propre fils Hervé (Niels Schneider). Hervé, c’est l’amant de Gemma, au début beau gosse oisif qui nous surprendra un peu mais chut ! Le reste du casting est à l’unisson ; j’ai bien aimé l’interprétation de la femme du boulanger par Isabelle Candelier et celle de Kacey Mottet Klein, le fils adolescent.
Anne Fontaine a réussi à capturer avec sa caméra la campagne française, et celle du pays de Caux en particulier. Les paysages normands sont vraiment bien normands, on retrouve l’ambiance « Clochemerle » des petits villages, même celle de la supérette du coin… le tournage de cette scène a été réalisé à Veulettes-sur-mer ; , on voit aussi Rouen et sa cathédrale, etc. ! Il y a plein de détails qui feront sourire ou frémir le spectateur : le prénom des chiens, l’amour de Gemma pour le pain…
Pour plus de plaisir pendant le visionnage, je recommanderais de lire « Madame Bovary« , le roman de Gustave Flaubert – même si on peut apprécier le film sans avoir lu le texte de Flaubert, en savoir un minimum sur les grandes lignes de l’intrigue est plaisant, puisque le texte de Flaubert est la référence du roman de Posy Simmonds, et que des références au récit flaubertien sont la clé du scénario.
La BO est de très bonne qualité – normal : elle est signée Bruno Coulais! Ajoutez à la bande son le groupe Moriarty ( « Jimmy » issu de l’album « Gee Whiz But This Is A Lonesome Town » passe à deux reprises, il y aussi « Cotton flower ») et vous obtenez une jolie atmosphère sonore.
En conclusion, je dirais qu’on peut apprécier le film pour différentes raisons. C’est une comédie de mœurs avec de bons acteurs et une part sombre. C’est une adaptation réussie. C’est une réflexion sur la culture, quand l’art imite la vie et vice versa. C’est aussi une réflexion sur l’obsession, la vie par procuration, et le pouvoir de la littérature sur nos vies… Le tout mis en abyme puisqu’il s’agit de l’adaptation d’une œuvre qui parle d’une autre œuvre ! Cependant, même si vous connaissez les œuvres originales, vous aimerez le fait qu’Anne Fontaine et Pascal Bonitzer, co-scénariste et lui-même réalisateur ( « Cherchez Hortense »), aient ajouté leur grain de sel au roman cinématographique de Posy Simmonds (lui – même différent de l’œuvre de Flaubert.)
Que vous soyez thé ou calva, BD ou littérature classique, vous apprécierez de passer un peu de temps avec « Gemma Bovery »dans les salles obscures.