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[Avis ] Ghost in the shell avec Scarlett Johansson

A l’origine, Ghost in the shell  est un manga de Masamune Shirow.
Ce manga a été adapté pour le grand écran en 1995 par Mamoru Oshii, un des maîtres de la japanimation.
L’anime Ghost in the shell est un chef d’œuvre du genre, une œuvre visionnaire pour l’époque alliant un scénario intelligent et complexe, une musique insolite et une mise en scène impressionnante dans le domaine de l’animation.

L’idée d’un remake avec des acteurs en chair et en os semblait plutôt saugrenue car l’œuvre originale semblait assez impossible à adapter en prise de vues réelles.

De plus, la nouvelle que le Major – la cyborg Motoko Kusanagi serait incarnée par Scarlett Johansson avait créé une polémique  : celle du white washing (blanchiment), déjà reproché à d’autres adaptations de mangas comme « Le Maître de l’air » ou le futur « Death Note ». On pouvait aussi craindre en outre un phénomène de « yellow face » : grimer l’actrice et les autres acteurs à grands renforts de maquillage – voire leur demander d’adopter un accent outré … Cette pratique choquante fut assez courante à Hollywood : Katherine Hepburn, Mickey Rooney, Luise Rainer ont joué des asiatiques à la place d’acteurs chinois ou japonais.
Les choses ont un peu évolué, le cinéma est mondialisé, malgré tout le whitewashing continue…
Faut-il pour autant boycotter le film et jeter le bébé de Rupert Sanders avec l’eau du bain des adaptations ratées de manga ?

Deutsch: Ghost in the Shell Schriftzug

SYNOPSIS

Le Major (Scarlett Johansson), hybride humain-cyborg – première du genre – est un agent spécial à la tête de l’unité d’élite Section 9.
Chargée d’arrêter les plus dangereux criminels et extrémistes, la Section 9 va affronter un ennemi dont l’unique but est d’anéantir les avancées en cyber technologie de la société Hanka Robotic.

AVIS : Ghost in the shell transcendé ?

Une coquille vide ou un film augmenté ?

Ghost in the Shell version live action reprend les principaux personnages de l’anime, et son intrigue a quasiment le même point de départ, on sent que le réalisateur souhaite en mettre plein les yeux et prouver qu’on peut faire du live action presque aussi délirant visuellement que de l’anime.

On sent que le film de 2017 a bénéficié d’un beau budget : les images de synthèse sont à couper le souffle, particulièrement celles du générique de début, les « glitches » (mais chut!), et les paysages citadins principalement composés de tours illuminées d’écrans  géants.

La 3D renforce cette impression de beauté – pour une fois, la technique m’a convaincue.

L’histoire entre science fiction et thriller noir permet des moments hallucinants de violence.

Bref, la coquille, l’enveloppe,  l’emballage du film est assez emballant…

Aux âmes, citoyens  !

Quant au fond, à l’âme du film, c’est plus problématique. Le Ghost in the shell de 1995 parlait de piratage et de fusion corps et esprit… Le film en prise de vues réelles pirate (détourne ?) le scénario et reproduit la forme de l’œuvre d’animation.

Le scénario du film réalisé par Rupert Sanders invente quasiment une histoire autonome. Malgré tout, le fantôme du manga original plane sur tout le film, et une impression de déjà-vu domine.

Outre l’œuvre originale, l’anime culte signé par Mamoru Oshii , on pense à d’autres films de science fiction :  Blade Runner  (cette impression de ressemblance est accentuée par la musique composée par Clint Mansell) ou encore  « 2001, l’odyssée de l’espace« .
Et bien sûr la thématique de ce nouveau Robocop d’un certain Verhoeven pour le thème du policier au corps « augmenté ». On peut aussi relever quelques ressemblances avec Terminator, et Total Recall

Enfin, comment ne pas voir une similitude (visuelle) avec Matrix  ? Les Wachowski ont été clairement influencés par l’anime Ghost in the shell en représentant les big datas comme un flot ininterrompu de chiffres et des lettres.  Seule la couleur des données change !
Dans le monde du cinéma, rien ne se perd, tout se recycle !

Pour ce qui est des différences, il n’est pas question de vous dévoiler les moments clés de l’intrigue.
Sachez que les relations de Batou et du major ne sont pas les mêmes. Dans l’anime, Batou a des sentiments pour sa partenaire cyborg (sentiments amoureux mais aussi presque paternels). Dans le film il s’agit plutôt d’une saine camaraderie.
Sans rien révéler, le personnage de Scarlett Johansson a une histoire personnelle et sentimentale toute autre, et cette histoire explique en partie le choix de l’actrice américaine pour interpréter la femme cyborg  (qui, petit rappel, dans l’anime, se nomme Mokoto Kusanagi). Une pirouette scénaristique permet même de « justifier » son apparence, ainsi que celle de Kuze, Hideo de son prénom,  joué par Michael Pitt, autre acteur américain aux yeux bleus.

Et puis, le contexte politique et le terrorisme du Puppet Master sont presque évacués du film de Sanders, laissant place à une quête plus personnelle de l’héroïne et de ses opposants.
De même, on ne peut du tout comparer les motivations du grand méchant ; elles ne sont pas du tout du même ordre dans le film d’animation et dans celui en live action.Le scénario prend une direction par rapport à la saga originale.

Réduire un film d’animation complexe à une machine à divertissement ?

Les acteurs, eux, semblent perdus au milieu de tout cela, ce n’est pas du tout le meilleur rôle de Takeshi Kitano (le seul à parler japonais !) mais l’acteur s’en sort honorablement.
Pilou Asbaek (qui a déjà partagé l’affiche avec « Scarjo » dans « Lucy » de Luc Besson ) se révèle être un bon Batou, humain avant tout. Il était déjà excellent dans « A War  » ; mais, cette fois, il ne peut rien exprimer par le regard – et pour cause !!

Juliette Binoche a un rôle de docteur Frankenstein au féminin. Cette scientifique s’est visiblement attachée à sa progéniture qu’est le Major. Son rôle n’était pas présent dans l’anime, mais sa blouse rouge sang était portée par les spin doctors du film d’animation, blouse rouge qui rappelle « Faux-semblants » de Cronenberg.

Petite remarque au passage : si Takeshi Kitano parle sa langue maternelle dans le film, pourquoi ne pas étendre le concept aux autres acteurs ? Juliette Binoche parlerait français, Pilou Asbaek en danois, la société dépeinte dans Ghost in the shell étant multiculturelle et polyglotte – même si la ville est clairement d’inspiration asiatique et rappelle Hong Kong.

Venons-en aux faits qui fâchent. Scarlett Johansson…  dans le rôle du Major,  je l’ai trouvée assez inexpressive. Cela ne serait-il pas voulu, sachant qu’elle doit jouer un cyborg ? En même temps, on affirme au major qu’elle « n’est pas qu’une arme » , qu’elle « a une âme » !

De plus, si la production ne voulait pas d’une actrice asiatique – et on peut le comprendre vu le développement de l’histoire –  pourquoi prendre Scarlett, outre le fait qu’elle soit bankable * ?

Nous avons déjà vu l’actrice « jouer » des personnages « augmentés » ou extra-terrestres dans Lucy et dans Under the Skin : nous savons donc que l’actrice a une belle plastique, qu’elle portera à merveille la combinaison du major – après avoir endossé celle de Black Widow dans The Avengers.

Cependant, dans ce rôle, Scarlett Johansson ne véhicule aucune émotion ou intelligence – artificielle ou non. L’anime permettait à son personnage un vrai dialogue métaphysique avec Batou…  Le réalisation de Rupert Sanders privilégie l’action et le spectaculaire ( la scène du tank a été conservée.)

* A la place de Scarlett,  j’aurais bien vu Rooney Mara et ses grands yeux bleus proches de ceux du major de l’original.-Et vous ?

Bizarrement, de manière générale, les acteurs n’apportent pas tellement de « chair » au récit.
Une réplique du film est  » Vous réduisez un être humain complexe à une machine » …
C’est un peu ce qui se passe dans ce Ghost in the shell du nouveau millénaire, où les humains semblent envahis par les nouvelles technologies et le jeu des acteurs phagocyté par le scénario et les effets spéciaux.
Bref, Ghost in the shell  version 2017 n’apporte pas d’émotions ni de réflexion métaphysique, pas de supplément d’âme –  mais c’est du grand spectacle, on ne peut pas enlever ce point au réalisateur et à son équipe. On ne peut pas non plus leur reprocher d’avoir effectué un copié-collé scénaristique.
Les enjeux ont souvent été modifiés et/ou simplifiés…
Si vous cherchez un film d’action au vernis futuriste,  ce Ghost in shell fera très bien l’affaire.
Le film d’animation original et complexe a été lifté, transformé en machine à divertissement – ce qui n’est pas désagréable mais pas transcendant non plus.

  • Le podcast réalisé pour Séance Radio avec Betty Mourao (lien cassé.)
  • Bande annonce

GHOST IN THE SHELL

sortie en France : 29/03/2017
durée : 1h46

Avec Scarlett Johansson.

https://www.facebook.com/GhostInTheShellFR

https://twitter.com/paramountfr

#GhostInTheShell

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