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[Avis] Voir du pays des soeurs Coulin

Qu’est-ce ça fait d’être femme et militaire ? Présenté à Cannes dans la catégorie Un Certain Regard, ainsi qu’au Festival du Film Francophone d’Angoulême ,« Voir du Pays » nous raconte le retour de la guerre en Afghanistan de deux soldates françaises, amis d’enfance qui font un court séjour à Chypre, pour un debriefing et un «sas de décompression » afin de faciliter leur retour à la vie normale. Alors ce film mérite- t-il son Prix du scénario obtenu à Cannes ?Voir_du_pays

Synopsis

Deux jeunes militaires, Aurore et Marine, reviennent d’Afghanistan. Avec leur section, elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, au milieu des touristes en vacances, pour ce que l’armée appelle un sas de décompression, où on va les aider à « oublier la guerre ». Mais on ne se libère pas de la violence si facilement…

(in DP)

 

AVIS : « Voir du pays », un certain regard sur la guerre et la paix … 

Voilà un sujet qui est original. Le film n’est pas un scénario original, c’est une adaptation du roman éponyme Delphine Coulin est l’auteure du roman et sa  soeur, Muriel, la réalisatrice qui a porté l’oeuvre à l’écran.

Ces deux héroïnes sont interprétées par deux excellentes actrices qui n’ont peur de rien – enfin c’est comme cela que je ressens leurs performances passées et leur jeu dans « Voir du Pays ». il s’agit bien sûr de Soko (A l’origine, Augustine), et de sa consœur Ariane Labed (Fidélio, Attenberg, Before midnight).
Soko et Ariane Labed impressionnent dans le rôle de ces deux amies prêtes à imploser.

Le personnage de Soko semble avoir atteint ses limites, être sur le point de faire une bêtise, et ressentir une énorme colère et culpabilité.

Celui d’Ariane Labed semble plus serein, mais n’en disons pas plus.
Pas de faute de goût dans le reste de la troupe, que ce soit Ginger Romàn, Karim Leklou, Damien Bonnard ou encore Jérémie Laheurte … A noter que l’interprète de Momo est un ancien militaire.

« VOIR DU PAYS » Un long métrage de Delphine et Muriel COULIN
Ariane Labed et Soko dans « VOIR DU PAYS » Un long métrage de Delphine et Muriel COULIN © Jérôme Prébois – Archipel 35

Il y a de belles idées de mise en scène, notamment une scène de bain de minuit quasi oriniques :  les deux soldates faisant la place dans l’eau sombre… Songent-elles à la mort, à la vie ? A leur corps endolori ? A la guerre ? A l’amour ?

Voir du pays et de la réalité virtuelle
Voir du pays et de la réalité virtuelle ( Ariane Labed)© Jérôme Prébois – Archipel 35

Citons encore cette mise en abyme assez vertigineuse : nous, spectateurs français, nous regardons des soldats basés à Chypre regarder un film en réalité virtuelle reconstituant une attaque en Afghanistan. Cette expérience de réalité virtuelle n’est pas une opération de détente :  l’armée l’utilise pour susciter la prise de parole et l’expérience est supervisée par un psychologue, un supérieur.
Certains refusent de parler, souhaitant un entretien individuel pour ne pas être soumis au jugement de leur camarade, ou convaincus qu’on veut remplacer les souvenirs de la guerre par des souvenirs aseptisés.
La fameuse attaque sera d’ailleurs racontée de différents points de vue, à la « Rashômon« … Bref, chacun a sa propre vision des choses.

Comme les deux héroïnes, on pense voir des choses, et en fait on ne voit pas le danger qu’elles courent.  De même, la personne qui va craquer n’est pas celle que l’on croit.

"VOIR DU PAYS" Un long métrage de Delphine et Muriel Coulin
« VOIR DU PAYS » © Jérôme Prébois – Archipel 35

Il manque quelque chose que ce soit un très grand film.
Difficile de dire quoi, un  seul bémol étant vraiment apparent :  il y a des longueurs dans le film.Le rythme pêche un peu … sûrement pour mener les spectateurs en bateau et l’étonner.
Certains rebondissements ne m’ont pas convaincue.

Malgré tout,  j’étais en tension permanente pendant certaines scènes, et je n’ai pas du tout vu venir l’événement dramatique , ni la fin.
Le film est extrêmement bien documenté, comme le livre j’imagine…
J’ignorais l’existence des « sas de décompression », j’ai eu l’impression de vivre une immersion avec les jeunes militaires.
Enfin, le long métrage se centre sur les femmes militaires,  et c’est appréciable – car à part « GI Jane », je ne vois pas d’autre bobine de cinéma qui ait abordé le sujet.

Pour finir, « Voir du pays » questionne les interventions militaires. Sans tenir un discours antimilitariste, les soeurs Coulin montrent la jeunesse désorientée, une jeunesse qui s’est engagée pour « voir du pays » comme on lui a promis , etpour trouver un travail, plus que par conviction personnelle.

«  Voir du pays »  brille par sa fine analyse psychologique des ravages de la guerre et de la loi du silence. Après « 17 filles », les sœurs Coulin nous livrent des portraits de femmes modernes et sensibles.
De manière générale, le film s’interroge sur la place et la représentation des femmes dans la société. C’est aussi un film sur la violence et les illusions… Un scénario ambitieux qui a convaincu le jury cannois.

 

 

VOIR DU PAYS

Date de sortie :  7 septembre 2016 (1h 42min)
De  : Delphine Coulin & Muriel Coulin
Avec Andreas Konstantinou, Ariane Labed, Cannes Film Festival, Ginger Romàn, Karim Leklou, Soko…

 

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