La master class Ang Lee, c’était hier soir et j’ai eu beaucoup de chance d’y être !
Lundi 26 novembre 2012, le Gaumont Marignan projetait L’Odyssée de Pi et accueillait son talentueux réalisateur, Ang Lee…
Dans la salle, de nombreux invités prestigieux, comme Michelle Yeoh qu’il a dirigée dans Tigre et Dragon et Elisabeth Gabler, la productrice du film.
Était également présent le dresseur des tigres…
On pouvait aussi saluer la présence de Son Excellence l’Ambassadeur de la République de Chine Taïwan et des représentants de l’Ambassadeur de l’Inde.
Ang Lee a été salué par une standing ovation à son arrivée.
Précisons que Monsieur Lee est très accessible et semble très sympathique. Il n’a pas hésité à rester auprès de ses fans, à signer des autographes et à faire des photographies. Chose plutôt rare de la part d’un réalisateur oscarisé.
Une magnifique soirée. Merci à la Fox.
La vidéo de rattrapage (en VF) est ici :
Voici quelques notes prises pendant la master class. J’espère qu’elles vous donneront envie de voir la vidéo de la masterclass et de partir à la rencontre d’un grand réalisateur.
- A l’origine de ce film, il y a un livre de Yann Martel (2002) . Succès phénoménal dans le monde entier. Livre réputé inadaptable. On vient de voir que vous vous en êtes extrêmement bien sorti… Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette Odyssée de Pi ?
« Je me suis dit : je suis capable de le faire ! C’est ça qui m’a incité. J’ai lu le roman il y a 10 ans. A l’époque, je ne sentais pas qu’il y ait un film à faire à l’époque, pour des raisons évidentes … Aucun personne sensée n’en ferait un film ! Quand quelque chose vous semble impossible et qu’on vous donne l’opportunité de le faire, cela devient extrêmement séduisant. Tous ces « peut-être » m’ont aidé à traverser ces quatre années difficiles. 3000 personnes qui ont participé à ce film : le titre français est adapté : c’était vraiment une odyssée…
- Le film est en 3D. James Cameron qualifie votre film d’une révolution du cinéma numérique ; comment avez -vous reçu ce compliment venant d’un maître dans le domaine
« J’ai été flatté tout d’abord, mais d’un autre côté, on n’est encore qu’au début de la 3D… c’est un langage qui n’est pas encore établi. »
- A propos de Suraj Sharma (Pi) :
« Il n’y a pas de star de 16 ans en Inde. J’ai rencontré 3000 gamins et la première fois que je l’ai vu, j’ai commencé à voir le film. Il ressemblait à Pi, j’ai eu ce sentiment qu’il était Pi. C’est un garçon qui a un regard très intelligent.La caméra l’aime beaucoup, et moi aussi. Tout son corps, toutes ses molécules se transformaient en Pi… Et bien entendu il y a eu beaucoup de travail pour arriver à ce niveau- là. »
- Ce personnage (Pi) change et va devenir quelqu’un que l’on attend pas … comme dans d’autres personnages de vos films ? Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce thème qui traverse votre œuvre ?
« Mon thème est toujours le changement. Tous mes personnages ressemblent à Pi. Cela me ressemble aussi …Les choses changent tout le temps. On est tout le temps en train de rechercher des changements dans la vie. Pour moi, c’est l’essence de la vie même, c’est ce qui me motive à créer ces personnages, à faire ces films… C’est vraiment ce grand film avec des petites variantes que je fais depuis 20 ans. »
- Autre thème qui traverse votre œuvre : l’identité … sociale (Raison et sentiments), sexuelle (Brokeback Mountain), ou double comme dans Hulk ?
« Je suis une Balance, c’est mon signe astrologique… Je suis toujours en train de soupeser, toujours à la recherche du bon équilibre. »
- Quels sont vos maîtres à penser ? Les réalisateurs qui vous inspirent ?
« Il y en a tellement … Bergman…Les réalisateurs du néo-réalisme italien, qu’il a copiés. Ozu comme tous les réalisateurs asiatiques. Je fais aussi des drames familiaux. Mais je suis un peu plus fou que lui . Mes films ne sont pas aussi calmes que les siens. j’ai tellement de héros. Luis Buñuel est aussi une grande influence pour moi.
Quand j’ai commencé à faire des films, j’étais moins influencé par les autres.
Comment exprimer ? Comment apprendre moi -même par la vie ? Je ne sais pas ce qui m’a attiré à faire des films… Je vais au plus profond de moi-même et j’essaie d’en sortir quelque chose. »
- Les prouesses techniques et visuelles de « Tigre et dragon » n’étaient-elles pas un avant- goût de « Pi » ?
« Chaque film que je fais annonce le prochain; peut-être que c’est à cause de quelque chose que je n’avais pas bien fait ; j’avais envie de le refaire.
Je remercie le cinéma français qui est très visuel. J’ai fait beaucoup de films comme « Raison et sentiments ». Mais faire quelque chose de visuel, c’est quelque chose dont je rêvais. Essayer de visualiser des émotions… je n’y arrive pas encore. Faire quelque chose de cinématographique, c’est le but que j’essaie d’atteindre. »
- Au sujet du film « Le secret de Brokeback Mountain ». Des cowboys homosexuels … Cela n’a pas dû être facile à financer. Comment avez-vous vécu cette période ?
« J’ai fait Hulk ! Brokeback Mountain n’était rien en termes de budget.
J’étais crevé. Je voulais prendre ma retraite, mais je ne voulais pas m’arrêter avec Hulk. J’étais épuisé… Je ne m’attendais pas à ce succès. J’avais peur d’être d’être lynché ; je l’ai fait sans avoir aucune force ou ambition. Ma fatigue a fait que tout ce matériau était humble. Et je pense que le spectateur a aimé cette humilité. Je pense qu’il faut être dénudé de tout pour communiquer avec le public. Mais je ne pourrai pas répéter l’expérience. »
- Avez -vous l’histoire de votre prochain film ?
« Non (rires)… Ou alors je veux garder le mystère... J’ai besoin de repos. Je ne sais pas quand je vais m’arrêter ! »
Les questions du public
– Toute votre filmographie parle de frustration et sentiments cachés. Est-ce présent dans « Pi » ?
« La frustration est une grande partie des films. Parce que si vous menez une vie tranquille, personne ne fait attention à vous ! Pour Pi, sa colère émane de sa frustration.C’est envers Dieu. Il veut croire en Dieu… La dévotion envers Dieu et le tigre, c’est peut -être la même chose. C’est quoi ce tigre ? C’est quoi ce dieu ? C’est un amour à sens unique… Dieu ne lui répond pas. Dieu est un mystère et nous ne savons pas. »
–Dans votre mise en scène vous avez beaucoup d’ambition… Êtes-vous attiré par le cinéma d’animation ?
« On me l’a déjà demandé – Dreamworks, Elisabeth(Gabler) …
Les gens me demandent souvent des films d’animations et des comédies musicales. Et bien sûr, je ne rajeunis pas non plus. Cela me tente évidemment car beaucoup de gens le demandent… »
– L’hommage de Pi à son père à la fin … Est-ce un hommage à votre propre père ?
« Comme Pi, je n’ai jamais pu dire au revoir à mon père. Quand Pi dit qu’il est désolé, ce n’est pas moi. Je pense que les leçons de nos pères sont importantes pour nous. J’espère que le film exprime beaucoup plus que mes sentiments personnels. Pi, c’est un peu tous les hommes. »
– L’odyssée de Pi est-elle l’odyssée de Lee ? (NDLR : Le film a demandé 4 ans de travail).
« J’y ai pensé chaque minute. D’abord inconsciemment et puis consciemment. Quand je voyais le tigre, je pensais : ça c’est mon tigre ! Pareil pour le canot… Je pense que c’était pareil pour l’équipe ! Toute l’équipe a lutté pour rester saine d’esprit … comme Pi. C’est vraiment une lutte. C’était difficile de faire ressortir la deuxième partie. Le montage a été un naufrage…
A propos du tigre, les gens m’ont demandé à Taïwan s’il y avait un rapport avec mon père.
Chaque pays interprète le film différemment. En Chine, en Inde… »
– Comment le bateau a-t-il coulé ?
« Pi ne sait pas , donc on se sait pas.
Cela n’a pas d’importance. C’est un peu existentiel. On ne sait pas ce qu’il a imaginé… Il y a deux choses dont on peut être sûr : un jour le bateau a coulé et Pi est arrivé à terre. Comment ça s’est passé, c’est un mystère total.Et je veux le garder ainsi. »
– La séquence des poissons volants : le format de l’image change, c’est un choix esthétique étrange ; pourquoi ?
« Quand j’avais votre âge, je me posais la question pourquoi garder le même format. La question, c’est de se dire « pourquoi pas » ? Je ne sais pas qui a décidé ça. Avec la 3D, facile de changer le format …. Cela permet vraiment de faire ressortir le poisson, avec l’espace noir qui a permis de créer cette illusion. »
Le présentateur a conclu en rappelant que le film sortira le 19 décembre, en remerciant les propriétaires de la salle et bien entendu Ang Lee !
Ce mardi, Ang Lee sera fait Chevalier des Arts et des Lettres par le ministre de la culture.
- Avis sur l’Odyssée de Pi .
Même si je reste sceptique, je verrai le film quand même.
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