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[Critique] Plein Soleil de René Clément

Cela faisait longtemps que je n’avais pas parlé d’un classique du cinéma.

C’est donc le moment de vous parler de la fabuleuse adaptation du roman de Patricia Highsmith (« Monsieur Ripley »-  en VO : « The Talented Mr. Ripley« , 1955).
Vous l’avez certainement deviné, le film que j’ai vu s’appelle « Plein Soleil », il date de 1960, et il a été réalisé par René Clément.
C’est à mes yeux le chef d’oeuvre de son réalisateur,  et le meilleur rôle d’Alain Delon … Le film a fait l’objet d’une restauration (numérique 4K), et il a été projeté au Festival de Cannes 2013 (pour la section Cannes Classics.)
Le film a  également été projeté dans le cadre de festivals : le Champs Elysées Film Festival ( dans le cadre des Incontournables TCM) et  le Festival Paris Cinéma … et le Blu-ray /DVD est sorti le 2 juillet dernier.

Vous n’avez pu assister à ces séances ? La bonne nouvelle, c’est que vous pourrez bientôt (re) voir ce film. En effet, 53 ans après sa sortie, le film ressort sur nos écrans (le 10 juillet 2013, pour être exacte). Vous l’avez compris, difficile pour un cinéphile de ne pas prendre sa dose de « Plein Soleil » !

Marie Laforêt et Alain Delon dans le film de René Clément, « Plein soleil » (1960). © CARLOTTA FILMS

L’histoire ?
Tom Ripley (Delon) est un jeune Américain fauché qui mène la dolce vita en Italie grâce aux largesses d’un playboy Philippe Greenleaf (Maurice Ronet). Chargé par le père de « Dickie » de le ramener aux Etats- Unis contre une grosse somme d’argent, Ripley devient de plus en plus jaloux de Greenleaf à force de la côtoyer. De plus, il commence à convoiter la fiancée de ce dernier, Marge (Marie Laforêt)…

Que dire à part que Clément a fait un excellent travail ? Il est difficile de ne pas parler de chef d’oeuvre !
Dans ce thriller aux images magnifiques ( Ah, l’Italie… ), l’ambiance est hitchcockienne*, la tension monte progressivement, et surtout le réalisateur réussit à tourner notre sympathie envers le méchant ou du moins à comprendre ses actes. Par moments seulement, car René Clément nous montre toute l’horreur de Ripley. Cette ambiguïté est renforcée par le fait que la victime, Dickie Greenleaf, n’est pas spécialement sympathique. Greenleaf n’est pas un saint,  il entretient une relation malsaine avec Ripley – par exemple il prend plaisir à l’humilier, à lui rappeler ses origines modestes à la façon dont il tient son couteau. De plus, il trompe sans vergogne sa fiancée Marge, et détruit la thèse de cette dernière sur Fra Angelico après une dispute. Puéril, oisif, inconséquent et dépensier…
Le spectateur se doute bien que le petit jeu de Philippe et Tom va mal se terminer, d’ailleurs le synopsis dévoile ce qui va se passer. Au fond, ce n’est pas le crime mais le personnage de Ripley qui nous intéresse. Le monde et l’identité qu’il se construit, l’enfermement dans ses mensonges…

On dirait que René Clément a fait sienne cette citation de Desnos :
« Si tu fais des images, ne parle pas, n’écris pas, ne t’analyse pas, ne réponds à aucun questionnaire. Ne piétine pas les jardins secrets. Suggérer c’est créer : décrire c’est détruire. »
Et, de fait, le personnage de Tom Ripley est fascinant, justement parce qu’il est opaque.

Le casting est excellent. Les deux acteurs choisis par René Clément se ressemblent physiquement : bruns avec les yeux clairs, une voix séductrice et une belle élégance…
Maurice Ronet (Dickie) était une star à cette époque. Le jeu de Maurice Ronet est aussi impeccable que les costumes qu’il arbore. Au départ, Clément voulait que Delon soit Dickie …
Le jeune Alain Delon a réussi à convaincre le réalisateur qu’il était fait pour jouer celui du méchant. Il a bien fait :  Alain Delon réussit parfaitement à jouer ce personnage ambigu et caméléon ( il imite la voix de Ronet d’une façon troublante). Delon qui possède la beauté du diable à cette époque, joue de son pouvoir de séduction, de son animalité … Son fameux regard bleu est effrayant de folie.

Au  milieu de ces deux fauves, Marie Laforêt et ses yeux de chatte… Une présence et une beauté à se damner. On comprend que Marge soit un objet de convoitise pour les deux hommes. Néanmoins, au-delà de sa beauté et de sa classe, Ripley la « veut » car Dickie « l’aime ». Marge fait partie du mode de vie de son « ami ».

Dans « Plein soleil », on peut trouver plusieurs interprétations sur les relations entre deux hommes. Le film aborde la lutte des classes ( Greenleaf qui rabaisse Ripley, Ripley qui le tue pour son argent et pour ce qu’il représente)… Les psys se régaleront : le problème d’identité  et le comportement obsessionnel, menteur et sociopathe de Ripley, l’homosexualité latente de deux hommes est suggérée (Quand Ripley, habillé en Greenleaf, embrasse son image…), ainsi que la pulsion de mort ou le masochisme chez Dickie Greenleaf qui semble s’amuser comme un fou lorsque Tom Ripley lui révèle son désir de le tuer ! Pour ce qui est de ce désir d’homosexualité, le remake signé par Anthony Minghella en 1999 est plus explicite …
Mais René Clément, au début des années soixante, influencé par la Nouvelle Vague et Hitchcock, se contente de filmer, sans appuyer ses propos. Et c’est diablement efficace.
Une analyse approfondie du film serait particulièrement intéressante, tout comme une comparaison avec l’histoire du roman.

Au final, « Plein Soleil » vaut plus que le détour, surtout que la restauration redonne aux couleurs d’origine toute leur splendeur !

Maurice Ronet, Marie Laforêt et Alain Delon dans « Plein soleil » (1960). © CARLOTTA FILMS

A PROPOS DE PLEIN SOLEIL


Un film de René CLÉMENT | Drame | France / Italie | 1960 | 113mn | Couleurs
Crédits : 

Réalisateur : René CLÉMENT
Scénario : René CLÉMENT et Paul GÉGAUFF d’après une histoire de Patricia HIGHSMITH
Avec : Alain DELON, Marie LAFORÊT, Maurice RONET, Elvire POPESCO, Erno CRISA
Directeur de la photographie : Henri DECAE
Musique : Nino ROTA
Producteurs : Robert HAKIM et Raymond HAKIM
Production : PARIS-FILMS PRODUCTION (Paris) et TITANUS (Rome)

Une restauration numérique en 4K inédite par STUDIOCANAL avec le concours de LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE et LE SOUTIEN DU FONDS CULTUREL FRANCO AMÉRICAIN DGA MPAA SACEM WGA

Synopsis officiel

Tom Ripley est chargé par un milliardaire américain de ramener son fils à San Francisco. Il s’immisce alors dans la vie de Philippe, parti pour de longues vacances en Italie, et de sa fiancée, Marge. Une complicité malsaine va naître entre les deux hommes. Mais lors d’une virée en mer, Tom tue Philippe de sang-froid et jette le corps par-dessus bord. L’assassin va alors endosser son propre rôle et celui de sa victime… (via Carlotta)

PLEIN SOLEIL de René Clément Bande annonce… par CINEFAC

FOCUS SUR TOM RIPLEY

Mary Patricia Plangman, alias Patricia Highsmith, (1921 – 1995) est une romancière connue pour ses thrillers psychologiques. Ses romans ont donné naissance à une douzaine de films ! Il faut noter que le  premier roman de Patricia Highsmith, L’Inconnu du Nord-Express a été adapté trois fois au cinéma, notamment par Alfred Hitchcock en 1951. *Il n’est donc pas étonnant de parler d’ambiance hitchcockienne dans « Plein Soleil »… Je vous propose dans ce focus de parler sa série de romans mettant en scène son personnage le plus maléfique,  Tom Ripley,  et de leur adaptation sur grand écran…

The Talented Mr. Ripley

  • 1960 : « Plein soleil », de René Clément
    Un remake de ce film toujours adapté de « Monsieur Ripley » a été fait en 1999.
  • 1999 : « Le talentueux Mr Ripley » d’Anthony Minghella.
    J’avais vu la version de Minghella avec Matt Damon, Jude Law (physiquement, c’est un peu un mélange entre Ronet et Delon !) et  Gwyneth Paltrow… Certaines scènes sont vraiment marquantes, mais maintenant j’ai une préférence pour la version avec Alain Delon ! Cette adaptation serait plus fidèle au roman.
  • 1977 : « L’Ami américain« , de Wim Wenders , d’après « Ripley s’amuse »(Ripley’s Game, 1974), traduit également sous le titre de  » L’Ami américain« .
  • 2002 : « Ripley’s Game« , de Liliana Cavani  – toujours d’après « Ripley s’amuse » avec John Malkovitch dans le rôle de Ripley.
  • 2005 : « Ripley Under Ground« , de Roger Spottiswoode

d’après « Monsieur Ripley et les ombres » (1970)

Les 2 derniers tomes n’ont à ce jour pas été adaptés. Pas encore !

Affiche © Carlotta films

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